Le consentement : définition, existence et vices de consentement
Le consentement est défini en droit comme la rencontre de deux volontés exprimant leur intention de s’engager dans un contrat, souvent après des pourparlers. Ce processus implique une offre suivie d’une acceptation, conduisant à un accord qui fonde la validité du contrat.
Pour que le consentement soit juridiquement valide, plusieurs conditions doivent être remplies :
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Existence du consentement : Le consentement doit effectivement exister, c’est-à-dire qu’il doit être manifeste et exprimé de manière claire par les parties, chacune ayant l’intention de s’engager contractuellement (articles 1101 et 1113 du Code civil).
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Liberté et éclairage du consentement : Le consentement doit être libre, sans pression extérieure, et éclairé, c’est-à-dire donné en connaissance de cause. Les parties doivent être pleinement conscientes des implications de leur engagement, des éléments essentiels du contrat, et des effets juridiques qui en découlent (articles 1112-1 et 1113 du Code civil).
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Deux problèmes principaux peuvent affecter la validité du consentement :
- L’existence même du consentement : Parfois, l’une des parties peut être induite en erreur, ou le consentement peut être entaché d’ambiguïté, remettant en question l’existence même de la volonté de contracter.
- Les vices du consentement : Le consentement doit être exempt de vices, c’est-à-dire de défauts qui fausseraient l’accord des volontés, comme l’erreur, le dol ou la violence. Ces vices sont reconnus par le Code civil comme des motifs d’annulation d’un contrat (articles 1130 à 1133).
Références du Code civil
- Article 1101 : « Le contrat est un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations. »
- Article 1112-1 : Cet article impose aux parties une obligation d’information qui s’inscrit dans le cadre d’un consentement éclairé.
- Article 1113 : « Le contrat est formé par la rencontre d’une offre et d’une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s’engager. »
- Articles 1130 à 1133 : Ces articles détaillent les vices du consentement (erreur, dol, violence) et les conditions de leur prise en compte pour annuler un contrat.
1°) L’existence du consentement
Définition : L’existence du consentement repose sur un acte individuel de volonté. Pour qu’un contrat soit formé, il est indispensable que deux volontés se rencontrent, et ce consentement suppose que les deux parties disposent du discernement nécessaire pour contracter.
Les formes de manifestation du consentement
Le consentement peut être exprimé de différentes manières :
- Gestuelle : Par exemple, un geste dans une vente aux enchères peut suffire à manifester le consentement.
- Oralement : Un échange verbal clair et sans ambiguïté peut exprimer l’acceptation.
- Par écrit : Le contrat est souvent formalisé par un document signé.
- Tacitement : Dans certains cas, le consentement peut être déduit du commencement d’exécution du contrat, lorsque l’une des parties prend des mesures concrètes qui laissent supposer son accord.
Le cas particulier du silence
En droit, le silence ne vaut pas acceptation. Le consentement ne peut pas être supposé uniquement parce que l’une des parties n’a pas exprimé son désaccord. Cependant, il existe des exceptions légales et contractuelles :
- Le silence peut valoir acceptation si une clause expresse le prévoit dans le contrat.
- Dans certains cas spécifiques, la jurisprudence peut considérer le silence comme une acceptation, mais uniquement lorsque des circonstances particulières ou un usage commercial établissent cette interprétation.
a) La rencontre des 2 volontés suppose une offre et une acceptation de l’offre
L’offre peut être :
- large (adressée au public) ou restreinte (adressée à une seule personne).
Pour que l’offre soit précise et engageante, elle doit contenir :
- La détermination de la chose objet du contrat,
- Le prix, s’il s’agit d’un contrat onéreux.
Une offre suffisamment précise rend possible la conclusion d’un contrat dès qu’elle est acceptée. L’offrant peut rétracter son offre tant que l’acceptation n’a pas été formulée, sauf s’il a mentionné un délai d’engagement. Dès l’acceptation de l’offre, le contrat est consensuel et parfait, donc valable.
Loi applicable au contrat : La loi en vigueur au moment de la formation du contrat s’applique :
- Si une loi nouvelle intervient entre l’émission et la réception :
- Selon la théorie de l’émission, la loi ancienne s’applique.
- Selon la théorie de la réception, c’est la loi nouvelle qui s’applique.
Capacité de contracter :
- Le contractant doit avoir la capacité juridique lors de la formation du contrat. Par exemple, un client âgé de 18 ans moins un jour à l’émission de l’offre mais de 18 ans et un jour à la réception est :
- Incapable de contracter selon la théorie de l’émission ;
- Capable selon la théorie de la réception.
b) L’offre de contrat
Définition : L’offre est une manifestation de volonté par laquelle l’offrant (ou « pollicitant ») exprime son intention de contracter selon des conditions précises et fermes.
Formes de l’offre :
- Adressée à une personne déterminée ou au public,
- Formulée de manière expresse ou tacite.
Effets de l’offre :
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Formation du contrat : Si l’offre est précise (comprenant les éléments essentiels) et ferme (sans réserve), son acceptation par le destinataire forme le contrat.
- Si l’offre est imprécise ou conditionnelle, elle constitue simplement une invitation à entrer en pourparlers. Les pourparlers peuvent être interrompus, mais une rupture abusive expose l’auteur à une responsabilité délictuelle.
-
Révocabilité : En principe, l’offre peut être librement rétractée tant qu’elle n’a pas été acceptée. Toutefois, une rétractation abusive (surtout si elle est faite en mauvaise foi ou en dehors d’un délai raisonnable) engage la responsabilité délictuelle de l’offrant.
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Caducité de l’offre : L’offre devient caduque à l’expiration du délai stipulé ou, en l’absence de délai, dans un délai raisonnable. Elle devient également caduque au décès de l’offrant, conformément à la jurisprudence actuelle et à l’article 1117 du Code civil.
c) L’acceptation de l’offre
Définition : L’acceptation est une manifestation de volonté unilatérale par laquelle le destinataire de l’offre marque son accord sur les termes de celle-ci.
Forme : Elle peut être adressée à une personne déterminée et se manifester de façon expresse (écrite ou verbale) ou tacite. Une acceptation peut ainsi résulter d’un comportement non équivoque traduisant l’accord (par exemple, en exécutant une prestation).
Effets de l’acceptation :
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Formation du contrat : L’acceptation donne naissance au contrat sous deux conditions :
- Elle doit être pure et simple, sans aucune condition ou réserve, faute de quoi elle sera considérée comme une contre-proposition, formant une nouvelle offre.
- L’acceptant doit avoir connaissance de l’intégralité des éléments de l’offre avant de l’accepter.
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Irrévocabilité de l’acceptation : L’acceptation ne peut être rétractée une fois qu’elle a été valablement émise.
Le contrat conclu à distance : Lorsqu’il s’agit d’un contrat entre absents, deux théories définissent le moment de sa formation :
- Théorie de la réception : Le contrat se forme lorsque l’acceptation parvient à l’offrant (principe en vigueur aujourd’hui).
- Théorie de l’émission : Le contrat se forme dès l’émission de l’acceptation par le destinataire (ce principe ne s’applique que si l’offrant l’a spécifiquement stipulé dans son offre).
d) La rupture abusive de pourparler
Définition : La rupture abusive des pourparlers se produit lorsqu’une partie met fin aux négociations de façon injustifiée, soudaine, ou dans le but de nuire, sans respecter la bonne foi et la loyauté contractuelle. Par exemple, exiger des conditions nouvelles ou prolonger les discussions dans le but de dissuader l’autre partie.
Effets : La rupture abusive constitue une faute engageant la responsabilité délictuelle de son auteur. Cette responsabilité n’ouvre droit qu’à des dommages et intérêts pour le préjudice subi et ne peut en aucun cas contraindre l’autre partie à conclure le contrat.
2°) L’intégrité du consentement
a) L’erreur (1er vice du consentement)
L’erreur constitue un vice du consentement pouvant mener à la nullité du contrat lorsqu’elle porte sur un élément essentiel, tel qu’un aspect fondamental de la chose objet du contrat ou la personne du cocontractant dans les contrats conclus intuitu personae.
L’erreur est le vice de consentement le plus fréquent et le plus délicat à évaluer, surtout lorsqu’il s’agit d’erreurs sur la substance de l’objet, prises dans un sens large et subjectif. Le droit cherche à concilier deux objectifs opposés : la protection des contractants face aux erreurs essentielles et la sécurité des transactions.
Ainsi, le droit limite les erreurs susceptibles de conduire à l’annulation pour éviter une instabilité contractuelle excessive. Il est nécessaire que l’erreur soit déterminante et qu’elle porte sur un élément essentiel du contrat pour justifier une annulation. La jurisprudence, quant à elle, évolue pour affiner la distinction entre les erreurs prises en compte et celles exclues du champ de l’annulation, en adaptant les critères d’analyse au cas par cas.
L’erreur se distingue en trois catégories principales :
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Erreur obstacle :
- Cette erreur se produit lorsque les parties n’ont pas consenti au même contrat en raison d’une incompréhension de l’objet ou de la nature du contrat.
- Exemple : Si une partie pense acheter un bien alors que l’autre croit conclure un bail, les volontés ne se rencontrent pas. Ce manque de concordance rend impossible la formation même du contrat.
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Erreur déterminante :
- Cette erreur porte sur un élément essentiel du contrat, rendant la nullité possible.
- L’erreur déterminante peut concerner :
- La substance de la chose : Par exemple, si une personne croit acheter de l’or et se voit vendre du plaqué or, ou si elle achète une copie en pensant acquérir un original.
- La personne du cocontractant : Cette erreur n’est admise que dans les contrats conclus intuitu personae, où la considération de la personne est essentielle au consentement (par exemple, l’embauche d’un expert qui s’avère ne pas avoir les qualifications requises).
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Erreur non déterminante :
- Elle porte sur une qualité secondaire, non essentielle, et n’entraîne pas la nullité du contrat.
- Par exemple, une erreur sur une caractéristique mineure de l’objet du contrat (couleur, apparence, etc.) qui n’était pas essentielle au consentement du contractant ne permet pas d’annuler le contrat.
1) Les types d’erreurs pris en compte par le droit
Selon l’article 1132 du Code civil, l’erreur peut constituer une cause de nullité du contrat dans certains cas précis. Deux types d’erreurs sont expressément admis par la loi : l’erreur sur la substance de la chose objet du contrat et l’erreur sur la personne, lorsque la considération de cette personne est essentielle au consentement de la partie contractante. La jurisprudence admet également une troisième forme d’erreur, appelée erreur obstacle, qui affecte la validité du contrat en empêchant la rencontre effective des volontés.
- 1. L’erreur sur la substance de la chose : L’erreur sur la substance, prévue par le Code civil, porte sur une qualité essentielle de la chose objet du contrat. Cette erreur est déterminante si, sans elle, le contractant n’aurait pas donné son consentement. La substance peut inclure des éléments matériels ou immatériels, comme l’authenticité, la composition ou l’utilité de la chose.
- 2. L’erreur sur la personne : Ce type d’erreur n’est pris en compte que dans les contrats conclus intuitu personae, c’est-à-dire en considération de la personne du cocontractant. Ici, l’erreur porte soit sur l’identité même de cette personne, soit sur l’une de ses qualités essentielles. Ce type d’erreur est fréquent dans les contrats de travail, les mandats ou les contrats de collaboration.
- 3. L’erreur obstacle : L’erreur obstacle, admise par la jurisprudence, concerne des situations où les parties n’ont pas de compréhension commune de l’objet même ou de la nature du contrat, entraînant ainsi une divergence fondamentale qui empêche une véritable rencontre des volontés. Elle se manifeste souvent par une confusion sur des éléments clés comme l’unité monétaire, le prix ou la nature même de l’accord.
1.1 L’erreur obstacle
L’erreur obstacle est un type d’erreur qui affecte la formation du contrat en empêchant une véritable rencontre des volontés. Elle se caractérise par une divergence sur des éléments essentiels de l’accord, telle que la nature ou l’objet même de la convention, ce qui mène à la nullité du contrat pour absence de consentement réciproque.
Cas fréquents d’erreur obstacle
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Erreur sur l’unité monétaire
Un exemple classique d’erreur obstacle concerne les erreurs de conversion monétaire. Lors de la transition entre anciens et nouveaux francs, des contractants ont pu se tromper de somme, pensant contracter en francs alors que l’autre partie négociait en nouveaux francs.
Exemple : Chambre commerciale, 14 janvier 1969. -
Erreur matérielle sur le prix
Lorsque les contractants n’ont pas la même perception du prix en raison d’une erreur matérielle, on peut également parler d’erreur obstacle. Par exemple, si une partie croit vendre un bien pour 1 000 euros tandis que l’autre partie pense l’acheter pour 100 euros, il n’y a pas d’accord sur le prix.
Exemple : Jugement du tribunal d’instance de Strasbourg, 24 juin 2002, où une erreur d’étiquetage sur le prix a conduit le tribunal à refuser la formation du contrat de vente. -
Erreur sur la nature de l’engagement
Une erreur obstacle peut aussi apparaître en cas de confusion sur la nature même de l’engagement. Par exemple, si l’une des parties pense conclure une vente alors que l’autre envisage un bail, il n’y a pas d’accord sur la nature de l’opération envisagée.
Exemple : 1ère chambre civile, 25 mai 1964.
Conséquences juridiques de l’erreur obstacle
Lorsque survient une erreur obstacle, il n’y a pas de véritable rencontre des volontés, ce qui rend le contrat inexistant : il est nul et non avenu dès son origine. Les juges considèrent en effet qu’un consentement effectif est inexistant dans de tels cas.
En résumé, l’erreur obstacle empêche la validité d’un contrat dès lors qu’elle porte sur des éléments essentiels, car elle conduit à un défaut de consentement mutuel, rendant ainsi le contrat nul et inexistant.
Exemples d’erreur obstacle :
- Erreur sur le prix : Une partie pense acheter un bien pour 10 000 euros tandis que l’autre croit le vendre pour 1 000 euros, menant à un écart majeur dans les volontés.
- Erreur sur la nature de l’engagement : L’une des parties entend conclure une vente alors que l’autre vise un bail.
1.2. L’erreur sur la substance et sur les qualités substantielles
En droit français, l’erreur sur la substance est une cause de nullité d’un contrat dès lors qu’elle porte sur une caractéristique déterminante de la chose objet du contrat. Historiquement limitée à la matière même dont une chose est faite, cette notion a évolué pour intégrer des qualités subjectives jugées « substantielles » dès lors qu’elles influencent significativement le consentement du contractant.
Exemple : Un acquéreur qui achète une peinture en croyant qu’elle est l’œuvre d’un célèbre artiste alors qu’elle est une imitation. Cette qualité essentielle (l’authenticité de l’œuvre) est déterminante pour l’acheteur.
Évolution vers les qualités substantielles
Cette évolution jurisprudentielle vise les situations où une personne se trompe sur une qualité essentielle du bien. Par exemple, si une personne achète des chandeliers pensant qu’ils sont en argent, alors qu’ils sont en bronze argenté, il y a erreur sur la substance (selon l’interprétation élargie admise par les tribunaux).
La jurisprudence a surtout affiné cette notion pour des objets d’art où l’authenticité ou l’ancienneté sont des qualités déterminantes. Ainsi, dans l’affaire dite du Poussin, un couple vend un tableau pensé comme une simple reproduction. Cependant, l’œuvre est en réalité un original de Nicolas Poussin, et les vendeurs auraient renoncé à la vente s’ils avaient su sa véritable valeur. La Cour de cassation, dans cet arrêt du 22 février 1978 puis le 13 décembre 1983, a reconnu qu’une telle erreur sur l’authenticité, ayant entraîné le consentement des vendeurs, justifiait la nullité du contrat.
Conditions de l’erreur sur la substance
Pour être prise en compte, l’erreur sur la qualité substantielle doit porter sur une caractéristique intégrée dans le champ contractuel, c’est-à-dire explicitement ou implicitement admise comme essentielle par les parties. Par exemple :
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Authenticité d’une œuvre d’art : Pour qu’une erreur sur l’authenticité soit recevable, l’acquéreur doit prouver que l’authenticité faisait partie des qualités substantiellement déterminantes, comme dans l’arrêt du 24 mai 1987 où l’aléa entourant l’authenticité a empêché l’annulation.
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Condition spécifique d’un bien : Si une qualité particulière est cruciale pour l’acheteur, elle doit être portée à la connaissance du vendeur et intégrée explicitement dans le champ contractuel.
Erreur sur un motif personnel non intégré
Les erreurs relatives à un motif personnel du contractant (comme une destination fiscale particulière d’un bien) ne sont pas admises pour annuler le contrat, sauf si le motif a été intégré expressément comme condition contractuelle.
Erreur de calcul ou matérielle
Enfin, l’erreur matérielle ou de calcul, par exemple dans les totaux d’une facture, n’entraîne pas l’annulation du contrat. Elle doit être simplement corrigée en application de l’article 1269 du Code de procédure civile.
Cette distinction rigoureuse entre l’erreur sur la substance, l’erreur matérielle et les simples motifs personnels garantit la sécurité des transactions tout en protégeant la sincérité du consentement
1.3 L’erreur sur la personne
En droit des contrats, l’erreur sur la personne est une cause d’annulation uniquement dans les contrats intuitu personae. Dans ces contrats, la personnalité ou une qualité spécifique du cocontractant revêt une importance déterminante pour l’autre partie. Cela signifie que la considération de la personne ou de certaines de ses caractéristiques est essentielle au consentement.
- Portée de l’erreur : L’erreur peut concerner l’identité même du cocontractant (par exemple, une confusion d’identité) ou une qualité déterminante de cette personne, comme un statut familial, des compétences professionnelles ou la possession de diplômes. Par exemple, dans un contrat de travail, si l’employeur engage un salarié en croyant qu’il possède un diplôme spécifique requis pour le poste, l’absence de ce diplôme pourrait entraîner la nullité du contrat.
- Exemple : Une entreprise embauche un expert en pensant qu’il possède un diplôme spécifique qui s’avère inexistant. L’erreur porte ici sur une qualité personnelle déterminante de la personne.
2) les caractères que l’erreur doit présenter pour être sanctionnée
Pour entraîner l’annulation d’un contrat, l’erreur doit être déterminante du consentement et ne doit pas être inexcusable ou indifférente. En vertu des articles 1130 et suivants du Code civil, ce vice de consentement doit respecter plusieurs critères.
L’erreur doit être déterminante du consentement
L’article 1130 du Code civil précise que l’erreur ne justifie l’annulation du contrat que si elle est déterminante du consentement. Cela signifie que la partie qui invoque l’erreur doit démontrer qu’elle n’aurait pas contracté ou qu’elle l’aurait fait dans des conditions moins défavorables en l’absence de cette erreur. Ce lien de causalité est essentiel pour que l’erreur puisse vicier le consentement.
L’erreur ne doit pas être indifférente ou inexcusable
Dans un souci de préservation de la sécurité des transactions, certaines erreurs ne sont pas retenues comme motifs d’annulation, en particulier :
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Erreurs indifférentes
Certaines erreurs, notamment celles portant sur la valeur de l’objet du contrat ou sur un motif personnel extérieur à celui-ci, ne sont pas prises en compte en droit.- Erreur sur le motif : La jurisprudence exclut l’annulation du contrat pour une erreur sur un motif personnel, sauf si ce motif a été expressément érigé en condition contractuelle (article 1135 du Code civil). Par exemple, dans un arrêt de la 3ème chambre civile du 24 avril 2003, la Cour de cassation a refusé d’annuler un contrat pour un motif de défiscalisation lié à des biens immobiliers, car l’erreur concernait un élément extérieur au contrat.
- Erreur sur la valeur : Une erreur concernant l’évaluation d’un bien ou d’une prestation de service, par exemple, vendre un tableau d’une grande valeur pour un prix dérisoire en raison d’une évaluation incorrecte, n’est pas un motif de nullité. Cependant, si l’erreur est provoquée par une fausse qualité de l’objet, elle peut être déterminante et donner lieu à une annulation.
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Erreur inexcusable
La jurisprudence impose une obligation de vigilance aux contractants, notamment aux professionnels. L’erreur est qualifiée d’inexcusable si la partie errante a omis de prendre un minimum de précautions avant de contracter, notamment en se renseignant elle-même sur l’objet du contrat. La Cour de cassation exige donc un degré de diligence, surtout pour les professionnels, ce qui n’exempte cependant pas les particuliers de toute précaution.Exemples :
- La Chambre commerciale du 4 juillet 1993 et la 1ère chambre civile du 3 mai 2000 ont refusé d’annuler des contrats où les vendeurs n’avaient pas pris les mesures adéquates pour évaluer correctement la valeur de leurs biens.
- En droit du travail, par exemple, dans un arrêt de la Chambre sociale du 3 juillet 1990, un employeur n’a pu invoquer l’erreur sur les compétences d’un salarié, car il aurait pu vérifier auprès du registre du commerce.
Erreur inexcusable et dol : Si l’erreur a été provoquée par des manœuvres frauduleuses (dol), elle sera considérée comme excusable, conformément à l’arrêt de la 3ème chambre civile du 21 février 2001.
Jurisprudence récente et erreurs spécifiques
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Erreur sur les qualités essentielles de la prestation
En vertu de l’article 1133 du Code civil, l’erreur portant sur une qualité essentielle, lorsqu’elle est déterminante, est une cause de nullité. Cette qualité essentielle doit être explicitement ou tacitement intégrée au contrat. En revanche, une simple erreur de rentabilité ou d’estimation économique ne vicie pas le consentement (Arrêt de la Cour de cassation du 31 mars 2005). -
Erreur de droit
Le principe selon lequel « nul n’est censé ignorer la loi » n’implique pas que toutes les erreurs de droit soient inexcusables. La Cour de cassation admet que certaines erreurs de droit puissent entraîner la nullité d’un contrat, sauf si un texte écarte cette possibilité, comme le stipule l’article 2052 du Code civil en matière de transaction. Une erreur de droit peut donc être sanctionnée si elle a eu un caractère déterminant et excusable (1ère chambre civile du 15 juin 1960). -
Avant-projet de réforme et tendances actuelles
La réforme du droit des obligations (ordonnance de 2016) a clarifié certains points mais a conservé la distinction entre erreur sur la valeur, qui n’est pas en soi une cause de nullité, et erreur portant sur une qualité substantielle. Il est donc indispensable d’établir que l’erreur relève bien d’un critère objectif du contrat, conformément à l’article 1135 du Code civil.
b) Le dol
Le dol est un vice de consentement dans lequel une partie est induite en erreur de manière délibérée et frauduleuse par son cocontractant pour l’amener à contracter. Il peut entraîner la nullité du contrat et/ou des dommages-intérêts, notamment si le dol a été déterminant dans la décision de contracter.
le Code civil aborde le dol sous les articles 1137 à 1139 :
- Article 1137 du Code civil : « Le dol est le fait pour un cocontractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie. »
- Article 1138 : « Le dol est également constitué s’il émane d’un représentant, d’un gérant d’affaires, d’un préposé ou d’un tiers de connivence. »
- Article 1139 : « L’erreur qui résulte d’un dol est toujours excusable ; elle est une cause de nullité même si elle porte sur la valeur de la prestation ou sur un simple motif du contrat. »
Preuve : Le dol relève du système de liberté de la preuve étant un fait juridique. Les preuves peuvent inclure des témoignages, documents, enregistrements, ou tout autre moyen légalement accepté.
Sanction : La partie victime peut demander la nullité relative du contrat, qui est réservée à son seul bénéfice, ainsi que des dommages et intérêts pour la réparation du préjudice, basés sur l’existence d’une faute du dolosif.
Conditions du dol
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Côté victime :
- Dol déterminant : il doit être prouvé que sans le dol, la partie n’aurait pas consenti. Le lien de causalité entre les manœuvres trompeuses et l’erreur ayant entraîné le consentement est donc essentiel.
- Erreur provoquée : toute erreur, dès lors qu’elle a été provoquée, est constitutive de dol.
-
Côté auteur du dol :
- Comportements constitutifs : les manœuvres frauduleuses incluent :
- Les actes de tromperie (ex. escroquerie),
- Les mensonges,
- Le silence ou la réticence dolosive, c’est-à-dire l’omission volontaire d’informations importantes pour le cocontractant.
- Faute intentionnelle : l’auteur doit avoir agi avec une intention trompeuse pour influencer la décision de l’autre partie.
- Cocontractant comme auteur : le dol doit émaner du cocontractant, bien que certains tiers puissent intervenir si leur comportement est délibérément concerté avec celui du cocontractant.
- Comportements constitutifs : les manœuvres frauduleuses incluent :
c) La violence
La réforme du droit des obligations de 2016 a introduit de nouvelles dispositions concernant la violence comme vice du consentement dans les contrats, modifiant ainsi les articles du Code civil qui régissent ce domaine. Aujourd’hui, la violence constitue un motif de nullité relative du contrat si elle a influencé de manière déterminante le consentement d’une partie, qu’elle soit exercée directement ou indirectement.
Les articles actuels encadrent la notion de violence comme suit :
- Article 1140 : « La violence est une cause de nullité du contrat lorsqu’elle est de nature à faire impression sur une personne raisonnable et à inspirer la crainte d’exposer sa personne, sa fortune ou celles de ses proches à un mal considérable. »
- Article 1141 : « La menace d’une voie de droit ne constitue pas une violence, sauf si elle est détournée de son but pour obtenir un avantage excessif. »
- Article 1142 : « La violence est une cause de nullité même si elle émane d’un tiers au contrat. »
1. Définition et caractéristiques de la violence en droit contractuel
En droit des contrats, la violence est définie comme toute menace ou pression, qu’elle soit physique ou morale, exercée pour amener une partie à consentir à un engagement qu’elle n’aurait pas pris autrement (art. 1140). Pour constituer un vice du consentement, cette violence doit être de nature à créer une crainte sérieuse et immédiate pour la personne, ses biens, ou ses proches.
Les éléments principaux de la violence incluent :
- La gravité de la menace : La menace doit être suffisamment sérieuse pour impressionner une personne raisonnable, et le juge prend en compte la situation personnelle de la victime (âge, santé, situation sociale) pour apprécier son intensité.
- La provenance de la violence : Elle peut émaner du cocontractant ou d’un tiers ayant un intérêt dans la conclusion du contrat.
- L’illégitimité de la violence : La violence doit être sans fondement juridique valable pour être qualifiée de vice de consentement. Par exemple, une menace de poursuite judiciaire n’est pas illégitime si elle est justifiée par un droit réel (art. 1141).
2. Les critères de la violence
La réforme précise plusieurs aspects de la violence en tant que vice de consentement :
- Nature de la violence : Elle peut être physique (ex. : contrainte physique) ou morale (ex. : menaces verbales ou écrites), y compris sous forme de chantage ou d’intimidation.
- Effet coercitif : La violence doit être telle qu’elle prive le cocontractant de sa libre volonté en lui inspirant une crainte raisonnable de représailles.
- Impact sur le consentement : Pour être valable, la violence doit avoir été déterminante dans la décision de contracter. Autrement dit, la partie affectée n’aurait pas contracté en l’absence de cette contrainte.
3. Preuve et sanction de la violence
La violence, en tant que fait juridique, admet tous types de preuves (témoignages, documents écrits, enregistrements) pour démontrer son existence et son effet sur le consentement. La victime de la violence peut obtenir l’annulation du contrat par une action en nullité relative, qui protège les intérêts privés et ne peut être invoquée que par la partie lésée. Si l’annulation du contrat ne suffit pas à réparer le préjudice subi, la victime peut également demander des dommages et intérêts (art. 1144).
En résumé, la violence est un vice de consentement qui, sous certaines conditions, permet de faire annuler un contrat si elle a été déterminante dans le consentement de la partie affectée.
d) La lésion
La lésion désigne le déséquilibre entre les prestations réciproques dans un contrat commutatif, et se manifeste par un préjudice subi par une des parties au moment de la conclusion du contrat en raison de la différence de valeur entre sa prestation et celle de son cocontractant. L’article 1168 du Code civil dispose que « la lésion ne vicie les conventions que dans certains contrats ou à l’égard de certaines personnes ». En principe, la lésion n’invalide pas un contrat, car le droit des contrats repose sur le principe de sécurité des transactions, laissant à chaque partie la responsabilité de veiller à ses propres intérêts.
Principe de non-sanction de la lésion
La lésion est généralement perçue comme une erreur sur la valeur. En principe, chaque contractant doit s’assurer que l’accord est avantageux pour lui ; si l’un d’eux estime ensuite que la valeur de sa prestation est déséquilibrée, le droit des contrats considère qu’il s’agit de sa propre négligence.
Exemple de la vilité du prix : La lésion ne doit pas être confondue avec la notion de « prix vil », c’est-à-dire un prix tellement dérisoire qu’il est assimilé à une absence de prix, pouvant entraîner l’annulation du contrat. Par exemple, dans un arrêt de la Cour de cassation du 18 juillet 2001, un prix dérisoire pouvait justifier la nullité de la vente.
Vente à l’euro symbolique : Dans des situations comme les reprises d’entreprises en difficulté, la « vente » à un prix symbolique peut être autorisée. Par exemple, un repreneur dans une procédure collective pourra reprendre l’activité pour un euro symbolique mais devra assumer des obligations importantes, comme la reprise des salariés.
Exceptions à la non-sanction de la lésion
L’article 1168 prévoit des exceptions où la lésion peut effectivement entraîner la nullité ou la révision du contrat, notamment pour protéger certaines personnes ou certains contrats spécifiques.
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Mineurs et incapables majeurs : L’article 1149 du Code civil autorise la rescision pour lésion en faveur des mineurs non émancipés, leur permettant de remettre en cause un contrat conclu s’ils subissent un préjudice.
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Partage successoral : L’article 887 du Code civil permet aux cohéritiers d’obtenir la rescision d’un partage s’ils prouvent qu’ils ont subi un préjudice supérieur à un quart de la valeur de leur lot.
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Vente d’immeubles : L’article 1674 du Code civil prévoit que le vendeur peut demander la rescision d’une vente immobilière s’il prouve qu’il a été lésé de plus de 7/12 de la valeur réelle de l’immeuble. Le rachat de la lésion par l’acheteur est toutefois possible pour éviter la nullité du contrat.
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Propriété littéraire et artistique : L’article L.131-5 du Code de la propriété intellectuelle permet la rescision pour lésion dans la cession des droits d’exploitation d’une œuvre, si l’auteur prouve un préjudice de plus de 7/12 dû à la sous-évaluation de son œuvre.
Émergence du contrôle de proportionnalité
Bien que la proportionnalité des prestations apparaisse de plus en plus en jurisprudence, elle n’est pas encore un principe général du droit des contrats. Ce contrôle vise à assurer un certain équilibre contractuel, mais sans pour autant constituer un droit à l’annulation ou à la révision du contrat en cas de déséquilibre, sauf dans les cas particuliers où la loi le prévoit.
Ainsi, bien que la lésion soit limitée en droit commun, elle reste une protection importante dans certaines situations où l’injustice contractuelle serait manifeste, notamment pour des parties plus vulnérables.
Ce cours d’Introduction au sciences juridiques est divisé en plusieurs fiches (notion de droit, sources du droit, biens, contrat, organisation judiciaire française
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