Les droits subjectifs

LES DROITS SUBJECTIFS

La notion de droit subjectif désigne les prérogatives accordées aux individus par le droit objectif. Ces droits permettent à une personne d’agir pour défendre ses intérêts et de revendiquer des droits en vertu de règles juridiques.

I ) La classification des droits subjectifs.

En droit français, les droits subjectifs se répartissent principalement en fonction de leur relation avec le patrimoine. Cette distinction établit une classification fondamentale entre :

  1. Les droits patrimoniaux : Ces droits sont intégrés au patrimoine d’une personne et peuvent être monétisés, transmis, cédés ou saisis.
  2. Les droits extrapatrimoniaux : Ils sont liés à la personne elle-même, ne sont pas évaluables en argent et n’entrent pas dans son patrimoine.

Cette classification est essentielle pour comprendre la nature, la transmissibilité et la protection juridique de chaque type de droit subjectif.

1) La notion de patrimoine

En droit, le patrimoine est une notion qui regroupe à la fois les biens et les dettes d’une personne, formant une universalité juridique. Le patrimoine inclut donc l’ensemble des droits et des obligations pécuniaires qui se rattachent à une personne. Bien que la notion de patrimoine ne soit pas expressément définie dans le Code civil, elle est structurante dans le droit civil français et a été formalisée par les juristes Aubry et Rau.

A) La théorie classique d’Aubry et Rau

La théorie d’Aubry et Rau repose sur deux principes majeurs :

1°) Le patrimoine comme une universalité de droit

  • Universalité de droit : Le patrimoine est un ensemble juridique qui persiste indépendamment de sa composition. Les biens et les dettes peuvent en sortir et y entrer sans que le patrimoine cesse d’exister, même s’il ne contient plus que des dettes.
  • Inclusion de l’actif et du passif : Le patrimoine inclut à la fois l’actif (ensemble des biens) et le passif (ensemble des dettes), car l’actif est destiné à répondre des dettes inscrites au passif. Autrement dit, tout bien appartenant à une personne peut être utilisé pour régler ses créanciers.
  • Différence avec l’universalité de fait : Contrairement à l’universalité de droit, une universalité de fait ne contient que des biens, sans les dettes. Par exemple, un fonds de commerce constitue une universalité de fait car il regroupe les éléments nécessaires à une activité sans inclure les dettes du commerçant.

2°) Le lien entre le patrimoine et la personnalité juridique

  • Patrimoine et personnalité juridique : Seules les personnes (physiques ou morales) dotées de la personnalité juridique peuvent posséder un patrimoine. À la naissance d’une personne physique ou à la création d’une personne morale, un patrimoine lui est automatiquement attribué.
  • Principe d’unicité du patrimoine : Chaque personne ne peut posséder qu’un seul patrimoine, dans lequel sont regroupés tous ses biens et dettes, qu’ils soient personnels ou professionnels.
  • Intransmissibilité du patrimoine vivant : Le patrimoine est indissociable de la personne pendant toute sa vie. Il peut évoluer par la vente ou l’acquisition de biens, mais ne peut être entièrement transféré de son vivant. Ce n’est qu’au décès que le patrimoine est transmis aux héritiers.

B) Critiques et limites de la théorie classique

La théorie d’unicité du patrimoine est souvent critiquée, en particulier pour les entrepreneurs individuels :

  • Risque de confusion des patrimoines : L’unicité entraîne un mélange des biens et dettes professionnels et personnels. Un créancier professionnel pourrait ainsi saisir des biens personnels de l’entrepreneur.
  • Problème pour les entrepreneurs individuels : Les entrepreneurs exerçant en nom propre, sans création de société, sont exposés à ce risque. La création d’une société permet de séparer les biens personnels des biens professionnels, car la société, en tant que personne morale, possède son propre patrimoine.

Certains pays, tels que l’Allemagne, autorisent une même personne à avoir plusieurs patrimoines via des patrimoines d’affectation. Ce concept permet d’isoler les biens et dettes d’une activité spécifique dans un patrimoine distinct du patrimoine personnel, ce qui réduit les risques pour l’entrepreneur.

C) Évolutions et assouplissements en France

Bien que le principe d’unicité du patrimoine reste en vigueur, des aménagements ont été introduits en droit français pour protéger les entrepreneurs individuels et leurs biens personnels :

  1. Statut d’Entrepreneur Individuel à Responsabilité Limitée (EIRL) : Créé en 2010, ce statut permettait aux entrepreneurs d’affecter certains biens à leur activité professionnelle, formant ainsi un patrimoine d’affectation distinct de leur patrimoine personnel, sans créer de société. Cependant, ce statut a connu une réforme avec la loi PACTE de 2019, simplifiant certaines formalités, mais en 2022, la loi a évolué vers une suppression de l’EIRL et une amélioration de la protection du patrimoine personnel des entrepreneurs individuels.?

    En 2022, la réforme sur le statut unique pour les entrepreneurs individuels, en lieu et place de l’EIRL, établit une séparation automatique entre biens personnels et biens professionnels pour les indépendants.

  2. Société unipersonnelle : Les entrepreneurs peuvent créer une société à associé unique (EURL ou SASU), ce qui permet de constituer une personne morale distincte avec son propre patrimoine, isolant ainsi les biens personnels des risques de l’activité professionnelle.

  3. Droit de saisir prioritairement les biens professionnels : En cas de dettes professionnelles, le débiteur peut demander aux créanciers de saisir en priorité les biens affectés à son activité professionnelle avant de recourir à ses biens personnels.

 

2 ) Les différents droits subjectifs

Les droits subjectifs sont les droits que les individus possèdent en tant que sujets de droit. Ils se divisent en droits patrimoniaux, qui relèvent du patrimoine, et droits extrapatrimoniaux, qui en sont exclus. Ces droits sont classés selon leur nature et leur fonction.

A) Les droits patrimoniaux

Les droits patrimoniaux sont directement évaluables en argent et font partie du patrimoine de la personne. Ils ont les caractéristiques suivantes :

  • Valeur pécuniaire : Ils peuvent être monétisés, car ils représentent un intérêt économique.
  • Cessibilité : Ils peuvent être cédés de son vivant à d’autres personnes.
  • Transmissibilité : Ils sont transmis aux héritiers au décès du titulaire.
  • Saisissabilité : Ils peuvent être saisis par les créanciers en cas de dettes.

Les trois catégories de droits patrimoniaux :

  1. Les droits personnels (ou droits de créance)

    • Ce sont les droits qu’une personne (le créancier) détient contre une autre (le débiteur), qui a l’obligation d’exécuter une prestation.
    • Exemples : Un droit de créance pour un prêt d’argent, une obligation de repeindre un bâtiment ou de réparer une voiture.
  2. Les droits réels

    • Ces droits portent directement sur une chose (lat. res) que le titulaire peut utiliser ou exploiter.
    • Exemples : Le droit de propriété (le propriétaire dispose de l’usus, fructus et abusus sur le bien), et le droit d’hypothèque (un droit réel sur un bien pour garantir une créance).
  3. Les droits intellectuels

    • Ce sont les droits qui confèrent au titulaire un droit exclusif d’exploitation sur ses créations intellectuelles. Ils protègent les œuvres de l’esprit et les inventions.
    • Exemples : Le droit d’auteur pour les œuvres littéraires et artistiques, le brevet pour une invention, et la marque pour des signes distinctifs commerciaux.

B) Les droits extrapatrimoniaux

Les droits extrapatrimoniaux ne sont pas directement évaluables en argent et ne font pas partie du patrimoine. Ils ont un régime particulier :

  • Incessibilité : Ils ne peuvent pas être cédés à autrui.
  • Intransmissibilité : Ils ne se transmettent pas au décès.
  • Insaisissabilité : Ils ne peuvent pas être saisis par les créanciers.

Les trois catégories de droits extrapatrimoniaux :

  1. Les libertés publiques

    • Ce sont des droits fondamentaux garantis par l’État, relatifs aux libertés individuelles et collectives.
    • Exemples : La liberté d’expression, le droit de vote, la liberté d’association, et la liberté d’aller et venir.
  2. Les droits de la personnalité

    • Ils protègent des aspects fondamentaux de l’individu et sont liés à sa dignité et son intégrité.
    • Exemples : Le droit au respect de la vie privée, le droit à l’intégrité physique, le droit à l’image, et le droit à l’honneur.
  3. Les droits de la famille

    • Ces droits sont liés aux relations familiales et encadrent des responsabilités et prérogatives spécifiques.
    • Exemples : Les droits des parents dans l’exercice de l’autorité parentale, le droit à l’obligation alimentaire entre ascendants et descendants.

Origine et apparition des droits subjectifs

Les droits subjectifs apparaissent en fonction des sources de droit :

  • Actes juridiques : Manifestations de volonté des individus, comme les contrats ou les testaments, par lesquels ils créent eux-mêmes des droits et obligations.
  • Faits juridiques : Événements auxquels la loi attache des effets juridiques, comme la naissance, la majorité, ou les accidents, qui déclenchent certains droits sans intervention volontaire.

Ces droits subjectifs, qu’ils soient patrimoniaux ou extrapatrimoniaux, définissent l’ensemble des prérogatives que chaque individu peut faire valoir dans ses relations juridiques et sociales.

II – Les sources des droits subjectifs

 Les droits subjectifs sont des droits attribués à des individus, leur permettant de bénéficier de prérogatives particulières. Ces droits trouvent leur origine dans deux grandes sources : les actes juridiques et les faits juridiques.

1. Les actes juridiques

Un acte juridique est une manifestation de volonté destinée à produire des effets de droit. Ici, les individus cherchent volontairement à créer des droits ou des obligations et en acceptent les conséquences juridiques.

A) Actes juridiques unilatéraux

  • Définition : L’acte juridique unilatéral dépend de la volonté d’une seule personne. Il n’implique pas nécessairement un accord avec une autre partie.
  • Exemples :
    • Le testament : L’acte par lequel une personne organise la répartition de son patrimoine pour après son décès.
    • La reconnaissance d’un enfant : L’acte par lequel une personne reconnaît être le parent d’un enfant.

B) Les contrats

  • Définition : Le contrat est un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes en vue de créer des effets de droit. Il constitue la base de nombreuses relations juridiques et engendre des droits et obligations pour chacune des parties.
  • Exemple :
    • Dans un contrat de vente, le vendeur acquiert un droit de créance (il peut exiger du débiteur qu’il paie le prix de vente) et l’acheteur obtient un droit de propriété sur le bien acheté et le droit d’en exiger la livraison.

2. Les faits juridiques

Un fait juridique est un événement auquel la loi attache des effets de droit, indépendamment de la volonté des personnes impliquées. Contrairement aux actes juridiques, les faits juridiques ne sont pas nécessairement recherchés ou voulus par les individus.

A) Les faits juridiques involontaires

  • Définition : Ce sont des faits qui surviennent sans que les individus les aient volontairement provoqués, mais auxquels la loi attache néanmoins des effets de droit.
  • Exemple :
    • L’accession à la majorité : Lorsque l’individu atteint 18 ans, il acquiert la capacité juridique et de nouvelles prérogatives attachées à la majorité, telles que le droit de conclure des contrats sans autorisation.

B) Les faits juridiques volontaires

  • Définition : Ce sont des faits délibérément produits par les individus, mais dont les conséquences juridiques sont déterminées par la loi, non par la volonté des personnes.
  • Exemple :
    • La responsabilité civile : Si une personne cause volontairement un dommage à autrui, elle est tenue de le réparer, même si elle n’avait pas l’intention de subir une sanction. La loi impose alors des conséquences juridiques pour compenser le préjudice.

Ce cours d’Introduction au sciences juridiques est divisé en plusieurs fiches (notion de droit, sources du droit, biens, contrat, organisation judiciaire française

 

Question fréquentes :

Que sont les droit patrimoniaux? Les droits patrimoniaux sont les droits qui ont une valeur pécuniaire et font partie du patrimoine de la personne. Ils ont pour caractéristiques d’être cessibles, transmissibles et saisissables. Ils se subdivisent en trois grandes catégories : droit personnels, droits rééls, droit intellectuels

Que sont les droits personnels (ou droits de créance) ? Droit qu’une personne (le créancier) détient contre une autre (le débiteur), l’obligeant à exécuter une prestation. Exemple : Le droit de créance pour le remboursement d’un prêt.

Que sont les droits réels ? Droits qu’une personne exerce directement sur un bien, conférant un pouvoir immédiat sur celui-ci.Exemple : Le droit de propriété sur un bien immobilier ou le droit de gage sur un bien mobilier.

Que sont les droits intellectuels ? ce sont des droits conférant un monopole d’exploitation sur une création de l’esprit. Exemples : Le droit d’auteur pour les œuvres littéraires et artistiques, les brevets pour les inventions.

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