La période précontractuelle (pourparlers, accord de principe…)

LA PÉRIODE PRÉCONTRACTUELLE

L’article 1128 du Code civil prévoit que sont nécessaires à la validité du contrat le consentement des parties, leur capacité de contracter et un contenu licite et certain. La référence à l’objet (même si elle est réapparait dans certaines dispositions du Code civil) et à la cause (cependant des solutions qui lui sont relatives réapparaissent dans certaines articles) disparait. Le consentement des parties est l’accord des parties sur l’existence et le contenu du contrat. Il est formé d’une offre qui a été acceptée. Cependant, il arrive que ce consentement soit l’aboutissement d’une période de négociation plus ou moins longue : c’est la période précontractuelle.

La période précontractuelle : Cette période précontractuelle est souvent appelée « pourparlers » mais ces derniers peuvent être aussi plus organisés et il arrive ainsi qu’il y ait des engagements juridiques de négocier le futur contrat. Il existe l’avant-contrat qui réside soit en une promesse unilatérale (l’un promet de contracter et l’autre a le choix), soit en une promesse synallagmatique (les deux promettent de contracter), soit en un pacte de référence (contrat par lequel on donnera priorité à un tel pour quelque chose).

A) Les pourparlers

Les négociations contractuelles sont dorénavant insérées dans le Code civil par l’ordonnance de 2016 (articles 1112 et suivants). L’article 1112 prévoit le principe de liberté de la rupture et son exception : le cas de la rupture fautive des pourparlers. A cela s’ajoute deux obligations : celle d’information (article 1112-1) et celle de discrétion (article 1112-2).

1) Le principe de liberté de la rupture

L’initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres. Cette liberté de négocier et de rompre librement les pourparlers est fondée sur le principe de contracter ou non (article 1102). L’article 1112 confirme donc une jurisprudence bien établie selon laquelle négocier et rompre est libre (arrêt du 26 novembre 2003 de la Chambre commerciale de la Cour de cassation). Ainsi, en cas de désaccord sur tel ou tel point du contrat, la rupture n’est pas fautive (arrêt de la Cour de cassation du 22 octobre 2014). En principe, aucun motif n’est à donner à la rupture puisqu’elle est libre mais il faut nuancer car l’absence de motif peut être constitutive d’un abus de droit oud’une faute dans certains cas.

2) L’exception

Il s’agit de la rupture fautive ou abusive des pourparlers.

a) Le fondement

L’article 1112, alinéa 1, prévoit que les négociations précontractuelles doivent impérativement satisfaire aux exigences de bonne foi. La mauvaise foi constitue soit un abus de droit, soit une faute (plus généralement). Cette notion de faute est retenue dans l ’alinéa 2 de l’article 1112. La jurisprudence exigeait, avant l’ordonnance de 2016, la bonne foi dans la conduite et l’initiative des pourparlers (arrêt de la Cour de cassation du 20 décembre 2012). Cette exigence implique donc une certaine loyauté entre les partenaires de la négociation. C’est principalement en cas de rupture que se pose la question de la bonne foi.

b) La faute et l’abus de droit

Le fait de détourner un droit de son but (utiliser un droit en dehors de son but) est un abus de droit. En principe, cet abus est fondé sur l’intention de nuire mais la jurisprudence a élargi cette notion et retient parfois la légèreté blâmable. La faute est une notion plus large que celle d’abus de droit, et elle est aussi retenue par la jurisprudence à propos de la rupture des pourparlers (arrêt de la chambre commerciale du 12 octobre 1993 par exemple). En cas de rupture abusive ou fautive ainsi retenue, on peut globalement retrouver trois cas :

Le fait d’entamer et/ou poursuivre des négociations sans avoir aucune intention de

Le fait de rompre sans aucun motif légitime les négociations (arrêt de la chambre commerciale du 14 décembre 2004 par exemple). C’est une hypothèse discutable dans la mesure où la rupture des pourparlers est normalement libre en principe et d’autres circonstances devraient donc être retenues. Cependant, lorsque la rupture est motivée, le motif légitime exclut toute faute (arrêt de Cour de cassation, troisième chambre civile, du 22 octobre2014).

Le fait de rompre brutalement des pourparlers avancés (sans motif légitime). Ces deux critères sont souvent réunis par les différentes décisions. En revanche, une rupture subite n’est pas nécessairement abusive lorsque les négociations ne sont pas avancées. Cependant, une faute caractérisée peut être retenue. Par ailleurs, la charge de la preuve incombe à celui qui invoque la rupture fautive.

c) Les sanctions

La sanction de la rupture abusive ou fautive est la sanction d’un fait juridique et la responsabilité extracontractuelle s’applique donc puisqu’il n’y a pas de contrat, par hypothèse (articles 1382 et suivants du Code civil). Pour le préjudice, la Cour de cassation l’exclut quant à la non-conclusion du contrat en vertu de la liberté de ne pas contracter de l’auteur de la rupture des pourparlers (article 1240, ancien article 1382). Elle exclut donc la perte de chance des gains (évaluer les chances de…) espérés comme préjudice indemnisable. En principe, la victime de la rupture des pourparlers sera indemnisée des préjudices liés à la rupture (le fait qu’il a engagé des frais dans le cadre des pourparlers). Cependant, si ces frais sont imputables à une anticipation imprudente de la conclusion du contrat, ils ne seront pas réparés parce-que ce préjudice est imputable (arrêt de la Cour de cassation, troisième chambre civile, du 19 septembre 2012). Ainsi, le préjudice indemnisable est relativement restreint.

3) Les obligations incombant aux parties lors des pourparlers

  1. a)L’obligation d’information

L’obligation d’information est un devoir d’ordre public prévu à l’article 1112-1 du Code civil : « celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant ». C’est à celui qui connaît l’information qu’incombe l’obligation d’information mais il n’y a pas besoin d’informer celui qui connait déjà l’information (arrêt de la troisième chambre civile du 14 mai 2013). Avant l’ordonnance de 2016, la jurisprudence ne reconnaissait pas ce devoir. Il y a désormais une obligation minimale de renseignement et, ainsi, certains auteurs parlent d’informations pertinentes (nécessaires au consentement de l’autre). L’ignorance de cette information peut venir d’un accès non-naturel ou du fait d’un rapport de confiance vis-à-vis del’autre.

S’agissant de l’objet de l’information, il faut qu’elle ait un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties pour les contrats intuitu personae. Chaque preuve incombe à celui qui invoque la violation. Les sanctions d’un manquement à ce devoir d’obligation sont le dol (il faut une intention frauduleuse) et le versement de dommages et intérêts. Les préjudices peuvent être : une perte de chance de payer moins (arrêt de la troisième chambre civile du 7 avril 2016), un préjudice matériel comme la présence d’amiante passée sous silence par exemple (arrêt de la troisième chambre civile du 21 mai 2014). Cependant, le devoir d’obligation ne porte pas sur l’estimation de la valeur de la chose (arrêt de la troisième chambre civile du 17 janvier 2007).

b)L’obligation de discrétion

L’obligation de discrétion est prévue à l’article 1112-2 du Code civil : « Celui qui utilise ou divulgue sans autorisation une information confidentielle obtenue à l’occasion des négociations engage sa responsabilité dans les conditions du droit commun ». Cette obligation était déjà reconnue par la jurisprudence (arrêt de la chambre commerciale du 3 juillet 1986). C’est ici la responsabilité extracontractuelle qui s’applique mais il peut aussi s’agir de la responsabilité contractuelle en cas de violation d’une clause de confidentialité (quand celle-ci était prévue dans lecontrat).

B) Des engagements à négocier

Ils ne sont pas prévus par l’ordonnance de 2016. Ce sont des structurations de pourparlers. On précise qu’il s’agira d’un contrat s’il y a une réelle intention de négocier, en vertu d’un accord de volonté. Or, il n’y a aura pas contrat lorsqu’il n’y a pas d’obligation d’accord.

1) L’accord de principe

L’accord de principe est un accord par lequel deux parties prévoient de négocier (arrêt de la Cour de cassation du 24 mars 1958). S’il y a un réel engagement juridique de négocier, alors il s’agit d’un contrat car l’accord entraine des effets juridiques. Le non-respect de cet engagement devra ainsi être sanctionné par la responsabilité contractuelle et il devra alors être négocié de bonne foi. En revanche, si l’accord, par son imprécision, ne prévoit vaguement que la possibilité de négociation, il ne s’agira pas d’un réel engagement à négocier et on se retrouve donc dans des pourparlers, ceux-ci devant être cependant conduits de bonne foi (arrêt de la Cour de cassation, première chambre civile, 22 mai 2013). Lorsqu’il s’agit d’un accord de principe valant contrat, l’engagement devient un engagement à négocier mais en aucun cas il ne conclut un contrat (arrêt de la chambre commerciale du 2 juillet2002).

2) La punctation

L’accord de principe est parfois associé à cette notion de punctation, qui est le fait de négocier les points essentiels du futur contrat (point par point) et on le voit au travers du protocole de l’accord (calendrier des points). C’est une notion empruntée au droit allemand. Cette technique doit cependant être précisée :

Comme les négociations doivent être conduites de bonne foi, lorsqu’un accord partiel est conclu sur tel point, les parties ne peuvent revenir dessus, en principe, sans être de mauvaise de foi.

Il s’agit aussi de savoir quand le contrat est conclu, or il l’est lorsqu’un accord est convenu sur tous les points essentiels du futur contrat. Lorsqu’il y a un accord de principe très précis qui prévoit ces points essentiels, il n’y a pas de problème mais il se peut que l’accord de principe soit vague sur ces points et cela peut poser problème (affaire PESCABRAVA/ arrêt de la chambre commerciale du 16 avril 1991/ arrêt de la troisième chambre civile du 23 octobre2014).

C) Les avant-contrats

Les avant-contrats (promesse unilatérale ou synallagmatique, pacte de préférence)