Condition du plan de sauvegarde : pas de cessation de paiement

La situation financière de l’entreprise, critère d’ouverture de la procédure

La spécificité de la procédure de sauvegarde est d’être une procédure d’anticipation des difficultés rencontrées par l’entreprise. Elle intervient donc alors que le débiteur est encore in bonis. La cessation des paiements qui demeure une notion fondamentale du droit des procédures collectives n’est donc plus un critère de démarcation entre une procédure préventive et une procédure judiciaire. Elle reste néanmoins un élément déterminant puisqu’elle délimite les champs d’application de la procédure de sauvegarde, de redressement et de liquidation judiciaire.

La procédure de sauvegarde peut être demandée par un débiteur qui n’est pas en cessation de paiements. Par contre, la cessation des paiements reste l’élément qui conditionne l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.

I- L’absence de cessation des paiements, condition d’ouverture de la procédure de sauvegarde

La procédure de sauvegarde s’adresse à un débiteur qui n’est pas en cessation des paiements. Il doit néanmoins justifier de difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter.

Dans sa rédaction issue de la loi du 26 Juillet 2005, l’article L120-1 du Code de commerce exigeait que le débiteur établisse qu’il était confronté à des difficultés qu’il n’était pas en mesure de surmonter et qui devaient le conduire à la cessation des paiements. En pratique, cette double preuve était très difficile à rapporter.

Afin de favoriser le recours à cette procédure, l’ordonnance de Décembre 2008 a modifié les conditions d’ouverture de la procédure de sauvegarde en supprimant l’exigence des difficultés de nature à conduire le débiteur à la cessation des paiements. Subsiste donc une seule exigence, la présence de difficultés que le débiteur n’est pas en mesure de surmonter.

La première interrogation concerne la nature des difficultés rencontrées par le débiteur. L’article fait état de difficultés insurmontables. Ce caractère a donc été laissé à l’appréciation des tribunaux.

De cette appréciation judiciaire il ressort qu’il peut s’agir indifféremment de difficultés financières, de difficultés économiques (perte d’un marché par exemple), de difficultés sociales (grèves), de difficultés juridiques (difficultés pour le débiteur à recouvrer certaines créances).

On peut citer néanmoins un arrêt rendu par la Cour d’appel de Lyon le 31 Mai 2006 qui a pris en compte pour justifier l’ouverture de la sauvegarde au bénéfice d’une entreprise spécialisée dans la production et le négoce de textile, la dégradation du chiffre d’affaire qui avait baissé de plus de 50% en 5 ans, aussi la mise en liquidation judiciaire de deux filiales de cette entreprise et avait également tenu compte de la mise en œuvre d’une procédure d’alerte par le Commissaire aux comptes. Ces éléments ont permis l’ouverture d’une procédure de sauvegarde.

La seconde question est sur l’intensité des difficultés. Ces difficultés, le débiteur ne doit pas pouvoir les surmonter lui même. Il va falloir que le débiteur indique au tribunal pourquoi il ne peut pas les surmonter seul.

D’une manière générale, le tribunal doit se livrer à une appréciation in concreto comme en témoigne un arrêt de la Cour d’Appel de Versailles du 15 juin 2006.

Dans une décision rendue par la chambre commerciale le 26 Juin 2007, la Cour de cassation a indiqué que la situation de la société qui sollicite l’ouverture de la procédure de sauvegarde sans que soit prise en compte les capacités financières du groupe auquel elle appartient.

Troisième élément : à quelle date doit-on se placer pour apprécier les difficultés insurmontables rencontrées par le débiteur ? Puisque le débiteur prend l’initiative de la demande, ces difficultés doivent être présentes au jour de la demande d’ouverture de la procédure. Le tribunal doit se situer au jour où il statut sur les conditions d’ouverture de la sauvegarde. Qu’en est-il cependant en cas de recours formé contre l’ouverture de la procédure de sauvegarde ?

Lorsqu’un recours est formé contre l’ouverture de procédure de redressement judiciaire, la CA apprécie l’état de cessation des paiements au jour où elle statue. Par contre, en ce qui concerne la procédure de sauvegarde, la Cour de cassation dans un arrêt du 26 Juin 2007 a considéré que la Cour d’appel devait se situer au jour du jugement d’ouverture et non à la date à laquelle il est statué sur le recours formé.

Cette position a appelé des critiques en doctrine car objectivement la situation de l’entreprise a pu évoluer entre le jugement de première instance et le jour où la Cour d’appel est appelée à statuer. Il paraît dès lors difficile en pratique de ne pas prendre en compte la situation du débiteur à ce jour surtout s’il a basculé en état de cessation des paiements.

Quatrième élément : Si les difficultés rencontrées par le débiteur sont avérées, la motivation de celui ci ne doit pas être prise en compte dans la décision d’ouverture de la procédure.

Peu importe que le débiteur cherche à échapper à ses obligations contractuelles en ayant recours à l’ouverture d’une procédure de sauvegarde.

Ce principe a été dégagé par la Cour de cassation dans un célèbre arrêt rendu le 8 Mars 2011.

En l’espèce, une société X qui était filiale à 100% d’une société Y avait acquis un ensemble immobilier à usage de bureau destiné à la location. Pour financer cette acquisition, la société X avait contracté deux emprunts à taux variable auprès de la banque Z. Ces deux emprunts étaient garantis entre autre par une hypothèque sur l’immeuble et par le nantissement des actions de la société X consenti par la société Y avec pacte commissoire.

Ce pacte commissoire a été développé par l’ordonnance du 23 Mars 2006. Si je gage un bien qui m’appartient auprès d’un créancier, si à l’échéancier de ma dette je ne paie pas mon créancier il a la possibilité de vendre le bien et de se payer avec la vente.

Le pacte commissoire est joint à la sureté et si le débiteur ne paie pas le créancier, la propriété du bien gagé ou nanti est transmise au créancier si le débiteur ne paie pas sa dette à échéance.

La société X avait également souscris deux contrats de couverture de risque de variation de taux d’intérêt. Les créances que détenait la banque Z ont par la suite été cédées à un fond de titrisation : transforme les créances en titre négociable. Ce fond de titrisation a exigé que la société X fournisse de nouveaux contrats de couverture de risques de variation de taux d’intérêt sous peine de subir la déchéance du terme des créances de prêt.

Les sociétés X et Y ont donc sollicité auprès du tribunal de commerce de Paris l’ouverture d’une procédure de sauvegarde. La Cour d’appel de Paris, dans une décision remarquée du 25 Avril 2010 refuse l’ouverture de la procédure car elle considère que les deux sociétés débitrices veulent échapper à leurs obligations contractuelles.

La chambre commerciale de la Cour de cassation casse cette décision et elle considère qu’en dehors du cas de la fraude, l’ouverture de la procédure de sauvegarde ne peut être refusée au débiteur au motif qu’il chercherait à échapper à ses obligations contractuelles dès lors qu’il justifie d difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter (8 Mars 2011).

Cinquième élément : s’il apparaît, postérieurement à la procédure de sauvegarde que le débiteur était en cessation des paiements, le tribunal la convertira automatiquement en procédure de redressement judiciaire. L’article L621-12 alinéa 2 du Code de commerce précise que le tribunal peut être saisi à cet effet par l’administrateur, le mandataire judiciaire ou encore le ministère public. Il doit cependant avoir entendu ou appeler le débiteur avant de procéder à cette conversion.

Sixième élément : l’article L620-2 alinéa 2 du Code de commerce précise qu’il ne peut être ouvert de nouvelles procédures de sauvegarde à l’égard d’une personne déjà soumise à une telle procédure ou soumise à une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire tant qu’il n’a pas été mis fin aux opérations qui résultent du plan ou que la procédure n’a pas été clôturée.

 

II ) La cessation des paiements, condition d’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire

 

La cessation des paiements : définition, preuve et date