La révision de la constitution
La révision constitutionnelle, encadrée par des procédures spécifiques, distingue les Constitutions souples (facilement modifiables) des rigides (plus complexes à adapter). Ces procédures visent à garantir la stabilité et protéger les principes fondamentaux. Les limites formelles (temps, circonstances) et matérielles (principes intouchables) empêchent des révisions arbitraires. La hiérarchie entre dispositions constitutionnelles varie selon les États, comme en France et en Allemagne, où certains droits sont inamovibles.
A. La procédure de révision
La procédure de révision constitutionnelle, prévue par la Constitution elle-même, a pour objectif d’encadrer et de protéger ce texte fondamental. La complexité de cette procédure détermine si une Constitution est considérée comme souple ou rigide, avec des conséquences importantes sur sa stabilité et son adaptation.
- Fiches de droit constitutionnel
- Le régime parlementaire de la IIIème République
- De la deuxième République au Second Empire (1848-1870)
- Du consulat à l’Empire, de l’Empire aux monarchies parlementaires
- Les causes et conséquences de la Révolution
- Le contrôle de constitutionnalité
- Hiérarchie des normes, fondement de l’état de droit
1. La distinction entre Constitution souple et Constitution rigide
a) Constitution souple
Une Constitution souple est facilement modifiable, selon une procédure similaire à celle utilisée pour adopter ou modifier des lois ordinaires.
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Caractéristiques :
- Elle est rapidement adaptable aux changements politiques ou sociaux.
- Toutefois, elle perd son statut de norme suprême, car toute majorité politique peut la modifier, affaiblissant ainsi les garanties des droits et libertés fondamentaux.
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Exemple : Le Royaume-Uni illustre ce modèle avec sa Constitution non codifiée. Les lois constitutionnelles peuvent être modifiées par un simple vote parlementaire, sans procédure spéciale.
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Limites :
- Une alternance politique peut entraîner des changements fréquents et instables.
- Elle ne protège pas efficacement contre des dérives autoritaires ou des atteintes aux droits fondamentaux.
b) Constitution rigide
Une Constitution rigide impose une procédure spécifique et plus complexe pour sa révision, distincte de celle des lois ordinaires.
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Avantages :
- Elle garantit une stabilité institutionnelle et protège les droits fondamentaux en rendant les modifications difficiles.
- Elle empêche une majorité politique temporaire d’imposer des changements arbitraires.
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Exemple : La Constitution française de 1958, considérée comme rigide, impose une procédure détaillée de révision (article 89).
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Inconvénients :
- Une rigidité excessive peut bloquer des réformes nécessaires. Par exemple, l’incapacité à réviser efficacement la Constitution de la Deuxième République en France a contribué au coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte en 1851.
2. Les étapes de la procédure de révision des Constitutions rigides
Pour garantir un équilibre des pouvoirs, la procédure de révision est répartie entre plusieurs acteurs, évitant qu’un seul homme ou organe ne détienne ce pouvoir (comme ce fut le cas en 1940 en France ou en 1933 en Allemagne sous les régimes autoritaires).
a) L’initiative de la révision
La révision peut être initiée par différents acteurs, selon le système politique :
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Exécutif : Dans les régimes autoritaires, ce pouvoir est souvent confié à l’exécutif. Exemple : certaines révisions constitutionnelles dans des régimes autocratiques.
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Parlement : L’initiative peut être confiée à une ou aux deux chambres du Parlement. Ce modèle est courant dans les démocraties parlementaires.
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Initiative partagée : L’initiative est répartie entre l’exécutif et le Parlement, comme en France, où le président et le Parlement peuvent proposer une révision.
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Initiative populaire :
- Les citoyens peuvent proposer une révision. Ce mécanisme, très démocratique, est toutefois rare et potentiellement risqué, car il peut être exploité à des fins populistes.
- Exemple : En Suisse, les citoyens peuvent demander une révision totale ou partielle de la Constitution par le biais d’un référendum.
b) La discussion et l’adoption de la révision
Trois options principales existent pour discuter et adopter une révision :
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Assemblée ad hoc :
- Une assemblée spécialement élue pour rédiger et adopter la révision constitutionnelle. Exemple : aux États-Unis, les amendements à la Constitution sont adoptés par des conventions constitutionnelles ou par les législatures des États.
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Parlement :
- Le texte est discuté et adopté par le Parlement, mais des procédures spécifiques sont mises en place pour garantir une difficulté accrue :
- Conditions majoritaires renforcées : une majorité qualifiée (souvent les deux tiers) est nécessaire.
- Votes successifs : le texte doit être adopté lors de plusieurs votes espacés dans le temps, pour éviter des décisions précipitées.
- Adoption conforme dans les deux chambres : en France, le texte doit être adopté dans les mêmes termes par l’Assemblée nationale et le Sénat.
- Le texte est discuté et adopté par le Parlement, mais des procédures spécifiques sont mises en place pour garantir une difficulté accrue :
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Adoption par référendum :
- La révision est soumise à l’approbation directe du peuple.
- Exemple en France : Certaines révisions constitutionnelles passent par un référendum, comme ce fut le cas pour l’élection du président au suffrage universel direct en 1962.
En résumé : La procédure de révision des Constitutions rigides, bien que complexe, garantit leur stabilité et protège les principes fondamentaux. Les étapes principales incluent une initiative partagée (souvent entre exécutif, législatif et parfois le peuple) et une adoption via des mécanismes renforcés (parlement, référendum, ou assemblée ad hoc).
B. Le pouvoir de révision et ses limites
Le pouvoir de révision constitutionnelle permet d’adapter la Constitution aux évolutions politiques, sociales, ou économiques. Cependant, ce pouvoir n’est pas absolu et se heurte à des limites formelles, temporelles, et matérielles, qui visent à préserver la stabilité et les principes fondamentaux du texte.
1. Les limites formelles ou temporelles
Ces restrictions encadrent les moments ou conditions dans lesquels une révision de la Constitution est interdite.
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Limites temporelles :
- Certaines Constitutions interdisent leur révision pendant un délai donné après leur entrée en vigueur. Ce laps de temps permet aux institutions de se stabiliser dans le cadre des nouvelles règles constitutionnelles.
- Exemple : La Constitution italienne de 1948 a interdit toute révision constitutionnelle pendant les deux premières années de sa mise en œuvre.
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Limites circonstancielles :
- Certaines situations exceptionnelles rendent la révision impossible, comme en France :
- Lorsque l’intégrité territoriale est menacée (article 89 de la Constitution de 1958).
- Lorsqu’il y a une vacance de la présidence de la République, empêchant un chef de l’État d’exercer pleinement ses fonctions.
- Pendant la mise en œuvre de l’article 16 de la Constitution, qui confère au président de la République des pouvoirs exceptionnels. Cet encadrement évite qu’une révision soit imposée dans un contexte de déséquilibre des pouvoirs.
- Certaines situations exceptionnelles rendent la révision impossible, comme en France :
2. Les limites matérielles
Les limites matérielles concernent des dispositions constitutionnelles jugées essentielles, qui ne peuvent être modifiées. Ces règles immuables sont généralement inscrites dans la Constitution elle-même.
- Exemple en France : l’article 89 interdit toute révision portant atteinte à la forme républicaine du gouvernement. Cela consacre un attachement irrévocable à la République.
- En Allemagne, les droits fondamentaux inscrits dans la Loi fondamentale de 1949 sont explicitement protégés contre toute révision (articles 1 et 20). Cela illustre l’idée de supra-constitutionnalité des droits humains.
3. Le débat sur la portée des limites matérielles
La reconnaissance de limites matérielles soulève des questions sur leur effectivité et la hiérarchie des dispositions constitutionnelles.
a) Les limites s’imposent-elles vraiment au pouvoir constituant dérivé ?
Le pouvoir constituant dérivé est soumis aux limites posées par le pouvoir constituant originaire. Cependant, certains contestent leur inviolabilité : le pouvoir dérivé peut-il contourner ces limites en adoptant une stratégie en deux temps (supprimer la disposition limitative, puis adopter la modification souhaitée) ?
- En France, le Conseil constitutionnel considère que toutes les dispositions de la Constitution ont la même valeur juridique. Cela implique qu’une révision en deux étapes est théoriquement envisageable.
- En Allemagne, le Tribunal constitutionnel fédéral affirme que les droits fondamentaux et certains principes comme la dignité humaine sont supérieurs aux autres dispositions, rendant leur modification impossible.
b) Existe-t-il une hiérarchie entre les dispositions constitutionnelles ?
En théorie, toutes les dispositions d’une Constitution ont la même valeur juridique. Cependant, certains États reconnaissent l’existence de principes supérieurs ou de dispositions supra-constitutionnelles.
- La notion de supra-constitutionnalité peut renvoyer à deux réalités :
- Des dispositions inscrites dans la Constitution mais considérées comme intouchables (exemple : droits fondamentaux en Allemagne).
- Des normes extérieures à la Constitution, comme les principes du droit naturel, perçus comme supérieurs au droit positif.
En France, le Conseil constitutionnel rejette l’idée de supra-constitutionnalité. En revanche, des théories philosophiques ou juridiques, comme celle du droit naturel, soutiennent que certains principes fondamentaux devraient transcender le droit écrit.
En résumé, le pouvoir de révision est limité par des contraintes temporelles, matérielles, et formelles pour garantir la pérennité des principes fondamentaux de la Constitution. Si certains États, comme l’Allemagne, hiérarchisent les dispositions constitutionnelles, d’autres, comme la France, considèrent que toutes ont une valeur équivalente.