Liberté contractuelle et autonomie de la volonté

Le rôle de la volonté en droit des contrats : liberté contractuelle, autonomie de la volonté et consensualisme

L’ordonnance du 10 février 2016 prévoit des dispositions liminaires qui contiennent quelques principes qui irriguent tout le droit des contrats, dont la liberté contractuelle  : Le contenu du contrat dépend de la volonté des parties.

L’autonomie de la volonté signifie que l’obligation contractuelle a une source unique : la volonté des parties. … C’est la liberté de contracter ou de s’abstenir, de choisir le contractant, d’établir les limites du contrat, c’est-à-dire d’exprimer sa volonté comme on l’entend.

La force obligatoire du contrat signifie alors que !’engagement créé par la volonté des parties s’impose à elles comme une loi. Le principe de la force obligatoire du contrat signifie, ensuite, que le juge ne peut modifier le contrat.

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A) La théorie de l’autonomie de la volonté

Cette théorie de l’autonomie de la volonté est ancienne et elle ne s’applique plus en tant que telle (elle est obsolète) mais sa connaissance permet de mieux comprendre l’évolution du droit des contrats. En effet, l’acte juridiquement est fondé uniquement sur la volonté des parties, une volonté autonome car elle ne dépend pas de la loi (celle-ci n’intervient qu’à titre d’exception). C’est ce qui explique la prééminence de la liberté individuelle : liberté de contracter ou non, liberté de choisir son contractant… La première utilisation de cette théorie se fait en 1886, par WEISS et elle est basée sur l’article 1134 al.1 du Code civil qui dispose que « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ». Cet article a été reproduit dans l’ordonnance portant réforme du droit des contrats, à la différence près que le mot « convention » est remplacé par celui de « contrat ».

 

1) Les fondements de la théorie

Cette théorie doit être rapprochée de l’évolution politique, économique et sociale tout au long du XIXème siècle. L’autonomie de la volonté s’est d’abord fondée sur les libertés individuelles (DDHC, 1789) et sur l’évolution du droit  de propriété. En effet, le contrat est aussi un moyen d’acquérir la propriété, mais est également un moyen économique puisqu’il permet les transferts de biens et de services. De plus, un libéralisme considérable se développe au XIXème siècle. Par ailleurs, les auteurs favorables au principe de l’autonomie soulignaient que les contractants étaient à égalité : « qui dit contractuel dit      juste » (1880).

 

2) La critique de l’autonomie de la volonté

A la fin du XIXème siècle, des critiques apparaissent, notamment avec DURKHEIM (1893), GOUNOT, DUGUY ou encore SALEILLES. Ces auteurs vont considérer que l’individu est moins que l’Etat et que l’intérêt général doit prévaloir sur les intérêts de l’individu. Ils se fondent sur l’article 1134 al. 1 qui dispose que « les conventions doivent être légalement formées pour avoir force obligatoire ». La volonté individuelle ne peut donc déroger à l’ordre public (article 1102 al.2 de l’ordonnance du 10 février). En se basant sur le fait que l’égalité entre les parties n’existe pas nécessairement (puisque ce n’est qu’en théorie que les parties sont sur un pied d’égalité), SALEILLES va poser la théorie du contrat adhésion (1910) qui dit que certaines offres de contrat ne laissent au destinataire de l’offre que le choix de contracter ou non car il n’a pas le pouvoir de négocier le contenu du contrat. Cette théorie va être consacrée par l’ordonnance de février, à l’article 1110 : « Le contrat d’adhésion est celui dont  les  conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l’avance par l’une des parties ».

 

Cette critique de l’autonomie de la volonté n’est pas destinée à empêcher la liberté individuelle de jouer son rôle, elle souligne juste que la volonté des parties n’est pas le seul élément déterminant du contrat : il faut réserver toute sa place à la loi mais aussi à d’autres principes (comme la bonne foi). Actuellement, deux courants émergent dans la doctrine française. Le premier est celui du « solidarisme contractuel » (de MASO) qui veut donner un rôle plus important au juge et à la bonne foi dans le droit des contrats. Le second, porté par HENES, se veut plus libéral est veut donner plus de poids à la liberté contractuelle. Ces courants se retrouvent dans l’ordonnance de 2016.

 

B) La liberté contractuelle

L’ordonnance du 10 février 2016 ne fait aucune mention expresse à cette liberté contractuelle. Pourtant, celle-ci était considérée comme un principe que l’on pouvait retenir, notamment par l’interprétation a contrario (c’est-à-dire interpréter une règle ayant des exceptions) de l’article 6 du Code civil : « On ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes mœurs ». Une des innovations de l’ordonnance de 2016 est de prévoir plusieurs règles liminaires, notamment des principes juridiques. La loi d’habilitation fait référence dans son article 8 aux principes juridiques généraux du droit des contrats parmi lesquels la liberté contractuelle et la bonne foi. Toutefois, le Conseil constitutionnel avait retenu la valeur constitutionnelle de cette liberté contractuelle déjà avant cette ordonnance (comme dans les arrêts du 16 juin 2013 ou du 1 août 2013 par exemple). L’article 1102 du Code civil retient ainsi 4 grands types de libertés : « chacun est libre de contracter ou de ne pas contracter », « chacun est libre de choisir son contractant », « la liberté de déterminer le contenu du contrat » et « la liberté de choisir la forme du contrat ».

 

Cet article prévoit que cette liberté ne permet pas de déroger aux règles qui intéressent l’ordre public, c’est-à-dire  que

c’est une liberté qui s’exerce dans la limite de la loi.

 

1) La liberté de contracter ou non

Cette liberté de contracter ou non est la première des libertés relative au contrat. L’ordonnance du 10 février 2016 insère pour la première fois dans le Code civil des articles relatifs à la négociation contractuelle, notamment aux articles 1112 et suivants. L’article 1112 prévoir d’ailleurs en son alinéa premier que « l’initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres ». Cette rupture libre est une rupture qui est quand même limitée par l’exigence de bonne foi. Ce même article précise ainsi que « l’initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi ». L’abus de droit sera donc sanctionné. Il y a par ailleurs des exceptions à cette liberté puisqu’il existe des obligations de contracter dans certains cas, comme les contrats d’assurance par exemple.

 

2) La liberté de choisir son cocontractant

Cette liberté s’illustre par la possibilité d’entamer des négociations avec la personne de son choix. Les contrats intuitu personae (en considération de la personne), la personne du contractant a peu d’importance et le choix de ce dernier est peu essentiel (le contrat de travail en est un exemple puisqu’il est conclu par l’employer en fonction des qualités de l’employé). Cependant, il existe des exceptions puisque le contractant peut parfois être imposé dans les contrats dans lesquels on va privilégier les droits d’une personne comme un droit de présomption par exemple (une institution peut se substituer dans l’intérêt général). On a aussi des contrats de priorité, pour certains types de biens immobiliers (notamment sociaux : HLM…), avec un droit de priorité pour les locataires.

 

3) La liberté de déterminer le contenu du contrat

En principe, le contenu des contrats est déterminé librement par les deux contractants. Toutefois, en pratique, le contenu n’est pas nécessairement librement débattu par les parties. Ainsi, SALEILLES a développé la  théorie des contrats

 d’adhésion, qui est liée au fait que le contenu des contrats est parfois imposé à l’une des parties par l’autre, sans possibilité de négociation. Elle n’avait que peu d’incidence pratique mais dorénavant, le droit d’adhésion constitue une catégorie du contrat prévue par l’ordonnance de 2016, notamment à l’article 1110 al.2 : « le contrat d’adhésion est celui dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l’avance par l’une des parties ». Cette définition entraine des conséquences juridiques prévues par  l’ordonnance,  notamment  à  l’article 1171  dont  l’alinéa  premier  dispose que dans    un

« contrat d’adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite ». Toutefois, l’alinéa second précise que « L’appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix à la prestation ». L’autre conséquence est le cas des règles d’interprétation du contrat par le juge qui peut être saisi pour interpréter le contrat en cas de clauses obscures, ambigües ou incomplètes (il n’a pas le droit d’interpréter les clauses précises). En principe, le juge doit interpréter le contrat selon ce qu’il considère être la commune intention des parties. L’article 1190 prévoit qu’en cas de doute, le contrat de gré à gré s’interprète entre le  créancier en faveur du débiteur, tandis que le contrat d’adhésion s’interprète contre celui qui l’a proposé.

Il existe en outre quelques règles qui ont pour conséquence de laisser échapper des morceaux du contrat aux parties.

 L’article 1194 (et 1135 ancien) dispose que les « contrats obligent non seulement à ce qui est exprimé, mais encore à toute la suite que leur donne l’équité, l’usage ou la loi ». Il existe aussi un certain nombre de dispositions légales qui s’appliquent aux contrats, ainsi que de nombreux régimes spéciaux en fonction de la nature du contrat (contrat d’assurance, contrat de travail, etc.). Parfois, l’intervention du juge entraine des compléments au contrat lorsque celui-ci est incomplet. Par ailleurs, la qualification juridique du contrat échappe aux parties : distinction de MOTULSKY (le fait, le contenu, appartient aux parties et la qualification juridique de ce contenu revient au droit).

 

4) Le principe du consensualisme

Ce principe de consensualisme est une liberté de choix de forme du contrat qui est formulée à l’article 1102 du Code civil (issu de l’ordonnance de 2016), mais aussi de l’article 1172 : « les contrats sont par principe consensuels ». Ce principe est lié au principe de la liberté contractuelle (le consensualisme en est issu). Traditionnellement, on distingue plusieurs types de déclaration de volonté. Cependant, le droit français s’intéresse davantage à la volonté interne qu’à la volonté déclarée (à l’inverse du droit allemand) : la volonté déclarative est l’illustration de la volonté interne. En principe, la déclaration est déclarée conforme à la volonté interne. On va distinguer deux catégories :

 

La déclaration dite expresse (ou exprès au masculin), c’est-à-dire formelle, est le langage destiné à exprimer la volonté (l’écrit ou la parole par exemple). En principe, elle n’implique pas l’interprétation de la volonté des

La déclaration tacite est un comportement duquel on peut déduire une volonté de la partie (l’exécution d’un contrat pendant sa négociation équivaut à une acceptation par exemple). Elle implique quant à elle une interprétation du juge en cas de 

 

Le silence peut exceptionnellement constituer une manifestation de volonté de la part du destinataire d’une offre. Il peut valoir acceptation que dans des cas limités. L’article 1120 prévoit que le silence ne vaut pas acceptation à moins qu’il n’en résulte autrement de la loi, des usages, des relations d’affaires ou de circonstances particulières. Ce principe du consensualisme propose donc de nombreux avantages, dont celui de conclure facile les contrats, mais aussi de nombreux inconvénients : le consentement donné à la légère, le risque de la preuve ou le fait que certains contrats peuvent être faits de manière occulte. Pour pallier à cela, il existe des exceptions de deux types : le formalisme direct et le formalisme indirect.

 

a) Le formalisme direct

Le formalisme direct est prévu par l’article 1172, alinéa 2, du Code civil. Deux types de contrats formels sont ainsi

prévus :

 

Les contrats solennels sont des contrats dont la validité est subordonnée à l’observation et au respect de formes déterminées par la loi. Ce contrat est valable que si les formalités sont respectées. Cette formalité, généralement écrite, est authentique et nécessairement passée devant Notaire (comme les donations de l’article 931 par exemple). L’exigence de ce formalisme vise le consentement lui-même. La doctrine estime qu’il a pour but d’éviter le consentement irréfléchi (la donation entraine l’appauvrissement du donateur par exemple). Cependant, certaines dispositions légales imposent parfois un  formalisme pour certaines mentions de l’acte juridique (le cautionnement donné par une personne physique par exemple).

Les contrats réels (du latin res signifiant « la chose ») sont des contrats dont la formation est subordonnée à la remise d’une chose (article 1172, dernier alinéa) comme par exemple les prêts à usages, les prêts de consommation, etc. Le contrat est réel s’il n’est pas consenti par un professionnel et, de facto, il est consensuel s’il est fait par un professionnel comme une Banque  par exemple (arrêt de la Cour de cassation du 18 mars 2000). Il existe un type de contrat réel qui n’est pas prévu par la loi : le don manuel (arrêt de la Chambre des requêtes de la Cour de cassation du 23 juin 1947). Par exception, ces dons peuvent être formés par un accord de volonté et la remise de la chose (matériellement ou virtuellement à l’image d’un virement).

 

b) Le formalisme indirect

Le formalisme indirect est double :

Il forme aux fins d’opposabilité aux tiers des effets du contrat. C’est le cas notamment de la vente d’un  Ainsi, le

transfert de propriété n’est opposable aux tiers que lorsque les formalités de publicité, au service de la publicité foncière, ont été effectuées. La condition préalable est que l’acte est passé devant Notaire. Le contrat a force obligatoire et est valable même sans intervention du Notaire et sans publicité foncière.

 

La preuve de l’acte (article 1359) est la preuve des actes juridiques. Ces derniers portent sur une somme ou valeur excédant un montant fixé par décret, doivent être prouvés par acte sous seing privé ou par écrit 

 

La volonté des parties (le consentement) est parfois protégée par certaines règles. C’est le cas de la règle de  l’incapacité (qui protège les personnes incapables) car on estime qu’elles ne sont pas en capacité de réaliser la portée de leur consentement. Mais c’est aussi le cas des règles de vices du consentement puisque si le consentement est vicié, le contrat est annulé (erreur, dol, violence, abus de dépendance…).

 

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