Qu’est-ce que le dol ? (art. 1137 du code civil)

Le dol en droit des contrats

Envisagé à l’article 1137 du Code Civil, il est définit comme « le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges »

Au sens strict le dol est donc le comportement qui provoque le vice du consentement. Mais ce qui altère le consentement dans cette hypothèse est toujours une erreur mais ce n’est plus une erreur spontanée mais une erreur intentionnellement provoquée par le cocontractant.

Le consentement est donc vicié car le consentement n’est pas éclairé –> Le contrat doit donc être annulé.

L’intérêt est que, quand l’erreur est provoquée par le dol, par un comportement déloyale, le droit la sanctionne plus durement car on peut systématiquement demander des dommages et intérêts en plus de la nullité du contrat.

Dans la mesure où l’erreur est provoquée par le dol, elle est toujours une cause de nullité du contrat, elle est toujours une erreur opérante même si c’est une erreur sur les motifs ou sur la valeur.

Pour prouver l’existence du dol il faut prouver deux éléments : l’élément matériel du dol et l’élément intentionnel du dol.

A) L’élément matériel du dol

L’ancien article 1116 ne faisait référence qu’à des manœuvres alors que le nouvel article 1137 parle de manœuvres, de mensonges et même de silence. On entend par élément matériel du dol un agissement destiné à tromper.

Un contractant doit donc avoir mis en œuvre des moyens matériels pour tromper l’autre. Il peut s’agir de manœuvre, d’une mise en scène, d’une machination, d’un acte matériel extériorisé comme par exemple le fait d’avoir trafiqué le compteur kilométrique d’une voiture.

Après avoir ainsi très largement étendu la notion de dol en élargissant la notion d’élément matériel de dol, à partir des années 2000 la jurisprudence a semblait vouloir faire marche arrière.

Elle a commencé avec l’arrêt BALDUS en date du 03/05/2000 ( –> Une personne vends des photos faites par Baldus au proprio d’une galerie qui lui en avait déjà acheté quelques années auparavant. Il les vends au même prix ignorant qu’entre temps la valeur de ces photos avait énormément augmenté.)

–> Il ne pouvait pas demander la nullité du contrat puisque il s’est trompé sur la valeur des photos qui est une erreur inopérante. Il tente donc d’agir en nullité du contrat sur le fondement du dol : pas de mensonges ici, ni de mise en scène mais le galeriste savait que la côte de BALDUS avait explosé et n’a rien dit. C’est donc bien le silence qui est l’élément matériel du dol. Il invoquait donc un dol par réticence.

La Cour de Cassation a cependant refusé d’annuler le contrat pour le motif que l’acheteur n’était tenu d’aucune obligation d’information à l’égard du vendeur. Elle fait donc un lien entre l’obligation pré-contractuelle d’information et le dol par réticence.

Pour qu’il y ai dol, il faut qu’il y ai eu manquement à l’obligation pré-contractuelle d’information. La Cour de Cassation considère comme le fait l’article 11121 que le devoir d’information ne porte pas sur la valeur de la prestation.

En 2007, la Cour de Cassation renouvelle cette solution et réaffirme, pour écarter le dol par réticence, qu’aucune obligation d’information sur la valeur du bien ne pèse sur l’acheteur même si il est professionnel.

La réforme, contre toutes surprise, ne semble pas consacrer cette évolution jurisprudentielle. En effet, si l’article 1112 – 1 ne dispose pas qu’il y a obligation d’information pré-contractuelle sur la valeur de la prestation, l’article 1137 ne fait plus de lien entre le dol par réticence et l’obligation pré-contractuelle d’information et considère que constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie. La seule exigence pour pouvoir obtenir l’annulation pour dol par réticence et que le silence ai été gardé sur une information déterminante.

Est-ce que la jurisprudence va rétablir le lien qu’elle faisait depuis l’arrêt BALDUS entre dol par réticence et l’obligation pré-contractuelle d’information ?

B) L’élément intentionnel du dol

Pour obtenir l’annulation du contrat sur le fondement de l’article 1137 il faut, en plus de démontrer l’élément matériel du dol, prouver que le cocontractant a intentionnellement trompé la victime de l’erreur.

Cette exigence n’est pas clairement posée par l’article 1137 sauf pour le dol par réticence où l’on parle bien de « dissimulation intentionnelle »

L’article 1116 n’utilisait pas non plus le terme « intentionnel » mais en parlant de consentement surpris par le dol, cela impliquait cette idée de tromper intentionnellement.

  • &2- L’erreur provoqué par le dol

Le dol n’est pas en lui-même le vice du consentement : c’est le comportement qui provoque le vice et ce vice est une erreur provoqué par le dol.

A la différence de l’erreur spontanée, peu importe sur quoi porte l’erreur provoquée par le dol. Elle est une cause de nullité du contrat si elle porte sur les qualités essentielles de la prestation ou du cocontractant, mais également si elle porte sur le motif du contrat ou sur la valeur de la prestation.

Parce qu’elle a été provoquée par le dol, une erreur qui serait inopérante si elle avait été spontanée devient cause de nullité du contrat.

Il suffit que sans cette erreur la partie n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Il faut donc qu’elle soit déterminante même quand elle est provoqué par le dol.

Autre différence : dès lors qu’elle a était provoquée par le dol, l’erreur n’a pas non plus à être excusable.

La jurisprudence, avant la réforme, notamment dans un arrêt de la Cour de Cassation de février 2001, en affirmant que le dol rend toujours excusable l’erreur provoqué. Cette règle est désormais reprise à l’article 1139 du Code Civil qui dispose « l’erreur qui résulte d’un dol est toujours excusable ».

  • &3- La sanction du dol

Le dol permet une double sanction. Parce qu’il entraîne un vice du consentement, il peut justifier l’annulation du contrat et parce qu’il est un comportement déloyal, fautif, il peut également toujours permettre à la victime du dol d’agir en responsabilité délictuelle pour demander des dommages et intérêts à celui qui l’a trompé.

Avant la réforme, on distinguait deux types de dol :

  • le dol principal(celui qui provoque une erreur sans laquelle la victime de l’erreur n’aurait pas contracter)
  • le dol incident (celui qui provoque une erreur en l’absence de laquelle le cocontractant aurait tout de même contracté mais à des conditions différentes)

–> Dans les deux cas, c’est un comportement déloyal, fautif, qui peut être sanctionné par une action en responsabilité délictuelle. La jurisprudence considérait en revanche que seul le dol principale pouvait en plus justifier l’annulation du contrat à condition bien sûr que le dol émane du cocontractant.

Cette distinction entre ces deux doles était contesté par une partie de la doctrine et la jurisprudence semblait prendre de plus en plus ses distances avec cette distinction. On peut se demander si elle n’a pas été abandonnée avec la réforme de 2016. En effet, si on lit l’article 1130, le dol, comme l’erreur et la violence, vicie le consentement dès lors que l’une des parties n’aurait pas contracté sans le dol ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.

On peut considérer que si il y a dol mais qu’il n’y a eu qu’une faible influence sur les conditions auxquelles le cocontractant à conclu le contrat alors il n’y aura pas vice du consentement selon l’article 1130 et donc pas d’annulation possible mais seulement une action en responsabilité délictuelle.

Attention, pour entraîner la nullité du contrat, le dol doit émaner du cocontractant. Il semblerait en effet injuste de faire supporter au cocontractant des conséquences de l’annulation du contrat alors qu’il n’est pour rien dans le dol.

Si le dol émane d’un tiers au contrat, l’annulation du contrat ne peut pas être demandée mais comme cela reste une faute la responsabilité de l’auteur du dol pourra être engagée sur le fondement de l’article 1240 (responsabilité délictuelle).

( –> Annulation seulement en cas de dol du tiers qui conduit à une erreur sur les qualités essentielles.)

La jurisprudence admet des exceptionsqui sont reprises aujourd’hui par l’article 1138 du Code Civil :

  • Si le dol émane du représentant du cocontractant(son mandataire par exemple), de son gérant d’affaire, de son préposé (employé) ou de son porte-fort il est alors une cause de nullité parce que soit il le sait, soit il aurait du le savoir.
  • Si le tiers est un tiers de connivence(il y a une sorte d’entente entre le cocontractant et le tiers, qu’il connaît ses agissements) , l’annulation peut également être demandée.