La légitime défense en droit marocain

LA LÉGITIME DÉFENSE EN DROIT MAROCAIN

La légitime défense est un moyen de défense reconnu en droit pénal marocain, qui permet à une personne d’échapper à la responsabilité pénale dans certaines circonstances. Ainsi, la personne qui agit en légitime défense ne sera pas considérée comme ayant commis une infraction pénale si les conditions sont remplies [1].

En d’autres termes, la légitime défense permet à une personne de se défendre contre une attaque injustifiée sans être pénalement responsable si elle agit de manière nécessaire et proportionnée.

L’article 124-3° du Code pénal marocain « Il n’y a ni crime, ni délit, ni contravention :

1° …..

2° …..

3° Lorsque l’infraction était commandée par la nécessité actuelle de la légitime défense de soi-même ou d’autrui ou d’un bien appartenant à soi-même ou à autrui, pourvu que la défense soit proportionnée à la gravité de l’agression ».

Il est important de souligner que la légitime défense en droit marocain s’applique non seulement à la défense de la personne, mais également à la défense des biens. L’article 122-5 du Code pénal marocain dispose que « n’est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers un bien, accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense de ce bien, sauf s’il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l’atteinte » [2].

A. FONDEMENT DE LA LÉGITIME DÉFENSE EN DROIT MAROCAIN

Il paraît manifeste que « la nécessité actuelle de la légitime défense », principale application de l’état de nécessité, ouvre l’exercice d’un droit fondé sur un choix : se laisser agresser ou se défendre.

La défense individuelle normalement prohibée devient légitime en cas d’urgence, lorsque l’intervention sociale est défaillante. Dans le conflit agresseur défenseur, tel qu’il est visé par l’article 124-3° et 125 du Code pénal marocain, la vie et l’intégrité corporelle de l’agresseur sont apparemment moins respectables que les biens matériels de l’agressé.

Comment justifier l’application de l’article 124-3° du Code pénal marocain à la défense d’autrui ? L’agent défenseur d’autrui verra son acte justifié parce qu’il accompli un devoir de justice également fondé sur un choix : Tolérer l’injustice, en l’espèce l’attaque injustifiée, ou contribuer, en ripostant, au rétablissement du droit.

B. CONDITIONS DE LA LÉGITIME DÉFENSE EN DROIT MAROCAIN

L’article 124-3° du Code pénal marocain pose des conditions générales, l’article 125 pose, dans certains cas déterminés, des conditions particulières.

1. LE CAS GÉNÉRAL

Les conditions de la justification tiennent soit à l’agression, soit à la défense.

a. Conditions tenant à l’agression

Aucune condition n’est relative à l’objet de l’agression, car à la différence de l’article 328 du Code-pénal français qui ne vise que les personnes, l’article 124-3° du Code pénal marocain envisage la légitime défense « de soi-même ou d’autrui ou d’un bien appartenant à soi-même ou à autrui ». Cette extension légale du fait justificatif à la défense de toutes les agressions doit être regardée comme la conséquence du fondement même de la légitime défense. Les conditions nécessaires à la justification seront donc fonction du caractère de l’agression.

Elle doit être actuelle

La condition d’actualité, « nécessité actuelle » dit le texte, consiste dans la menace d’un mal imminent qui ne peut être écarté qu’en commettant l’infraction, c’est-à-dire en opérant un choix. La légitime défense apparaît ainsi comme la principale illustration de l’état de nécessité. Cette actualité laissée à l’appréciation du juge cesse dans manifestement deux cas :

En cas de riposte contre une attaque déjà passée, il n’y a pas légitime défense, mais vengeance privée.

En cas de défense contre un mal future, un mal éventuel. Il n’y a plus urgence, la défense sociale peut jouer et peut notamment être mise en œuvre sur la base des articles 425 à 429 du Code pénal marocain relatifs à la répression des menaces contre les personnes ou les biens.

Elle doit être injuste

Injuste, c’est-à-dire antijuridique ; l’agression ne doit pas être légale. Une saisie mobilière, exécutée conformément aux articles 460 et s du Code de la Procédure Civile, ne saurait évidemment justifier une obstruction violente du débiteur dont la défense n’est certes pas légale.

Quid si l’agression est injuste mais perpétrée par une autorité légitime ? Exemple : Arrestation sans mandat d’arrêt. Il ne paraît pas douteux qu’en droit marocain, le refus d’obtempérer à un tel ordre, au moyen de violences correspondant à une défense légitime, ne soit justifié, puisque seul le délit de rébellion est prévu par le Code et qu’il n’est pas permis d’ajouter ou de retrancher à la loi.

Quid si l’agression est perpétrée par un irresponsable majeur ou mineur ? Cette agression ne pouvant être antijuridique puisque située hors du champ infractionnel, la défense ne saurait être légitime. L’état de nécessité, en revanche, en tant que principe général, nous paraît susceptible de justifier la réaction de l’agressé.

Quid enfin si l’agression est perpétrée par un agent excusable, par exemple, aux termes de l’article 418 du Code pénal marocain par un mari trompé, blessant son épouse et l’amant de cette dernière « à l’instant où il les surprend en flagrant délit d’adultère » ; si l’épouse et l’amant ripostent, sont-ils en état de légitime défense ? Une réponse affirmative s’impose, car si l’excuse de provocation a pour conséquence d’atténuer la peine de l’agent, elle ne fait pas disparaître l’infraction : la défense de l’amant ou de l’épouse est partant légitime et donc justifiée.

b. Conditions tenant à la défense

Elle doit être nécessaire

Principale application de l’état de nécessité, la défense pour être légitime doit normalement constituer le seul moyen de s’opposer à l’agression. L’agresseur défenseur n’avait pas d’autre alternative : subir l’injustice ou rétablir le droit.

Elle doit être mesurée

C’est-à-dire « proportionnée à la gravité de l’agression ». L’appréciation de la proportion est une question de fait qu’il appartient au juge seul de trancher, en considération du péril qui pouvait être redouté, n fonction notamment de l’âge, du sexe, voir même du contexte socio culturel de l’agent agressé. Le terme « proportion » nous paraît en fait inadapté à l’institution car il semble introduire l’idée de réciprocité : défense mesurée ne saurait en effet signifier talion. Le mal causé par l’agressé peut être supérieur au mal reçu : un homicide peut ainsi être jugé nécessaire pour se prémunir d’un vol ou de blessures graves ; ou inférieur : la défense légitime d’un bien peut difficilement justifier la perte d’une vie humaine.

La légitime défense cessera de justifier l’infraction si elle est démesurée ; Cette absence de justification ne signifiant d’ailleurs pas que l’agent sera condamné à la peine prévu par le Code. Selon la nature de l’agression, l’agent pourra soit bénéficier d’une des excuses atténuantes de provocation prévue par les articles 416 à 421 du Code pénal marocain, soit se voir accorder conformément à l’article 146 du Code pénal marocain le bénéfice des circonstances atténuantes.

2. LES CAS PARTICULIERS

Il est deux cas particuliers où le Code semble renoncer à la mesure imposée par l’article 124-3° du Code pénal marocain. Aux termes de l’article 125 du Code pénal marocain, en effet, « sont présumés accomplis dans un cas de nécessité actuelle de légitime défense :

1° L’homicide commis, les blessures faites ou les coups portés, en repoussant, pendant la nuit, l’escalade ou l’effraction des clôtures, murs ou entrée d’une maison ou d’un appartement habité ou de leurs dépendances.

2° L’infraction commise en défendant soi-même ou autrui contre l’auteur de vols ou de pillages exécutés avec violence ».

Ce texte n’est pas une simple application de l’article 124-3° du Code pénal marocain ; il en constitue au contraire une dérogation dans la mesure où il établit, en cas d’attaque particulièrement grave, une présomption de légitime défense. L’agent, auteur de l’homicide ou des blessures, n’est pas tenu de prouver, l’attaque étant actuelle et injuste, que sa riposte était nécessaire. Devant la gravité de l’agression, l’agent semble dispensé de délibérer un choix : il opte d’emblée pour la défense que la loi veut, en ce cas, présumer nécessaire.