Quelle différence entre magistrat du siège et du parquet ?

LES MAGISTRATS DU SIÈGE ET DU PARQUET

 

En France, la magistrature est composée de deux grandes catégories de magistrats professionnels : les magistrats du siège (ou juges) et les magistrats du parquet (ou procureurs). Cette distinction structure la justice française depuis l’époque monarchique, où la séparation entre ces deux fonctions était déjà présente.

  • Magistrats du siège : juges impartiaux

Les magistrats du siège, communément appelés juges, exercent leur fonction en toute impartialité. Ils sont chargés de rendre les décisions de justice et de trancher les litiges entre les parties en appliquant le droit. Durant les audiences, les juges restent assis (d’où leur appellation de « magistrats du siège »), symbolisant leur rôle d’arbitre neutre et indépendant. Leur mission est de garantir une justice impartiale, et pour cela, ils bénéficient d’une inamovibilité : une fois nommés, ils ne peuvent être déplacés ou révoqués sans leur consentement, sauf en cas de sanction disciplinaire.

  • Magistrats du parquet : défenseurs de l’intérêt public

Les magistrats du parquet, également désignés sous le terme de ministère public (ou parfois « magistrature debout »), sont chargés de représenter les intérêts de la société et de veiller au respect de l’ordre public. Ils interviennent principalement dans le cadre des affaires pénales pour engager et diriger les poursuites contre les auteurs présumés d’infractions. Les magistrats du parquet, incluant les procureurs et leurs substituts, se lèvent lors des audiences pour s’adresser au tribunal, soulignant ainsi leur rôle de partie active dans le processus judiciaire.

Contrairement aux magistrats du siège, les membres du parquet ne jouissent pas de l’inamovibilité. Ils sont placés sous l’autorité du ministère de la Justice, ce qui signifie qu’ils peuvent recevoir des instructions générales de la part du gouvernement concernant la politique pénale, bien qu’ils conservent une indépendance dans le traitement individuel des affaires.

  • Un corps unique, une formation commune

Bien que leurs fonctions soient différentes, les magistrats du siège et du parquet forment un corps unique de magistrats en France. Ils sont recrutés selon les mêmes modalités et suivent une formation identique à l’École nationale de la magistrature (ENM). Cependant, en fonction de leur choix de carrière, ils sont soumis à des obligations distinctes et bénéficient de droits spécifiques.

 

 

I) Les magistrats du siège (magistrature assise)

Les magistrats du siège, ou magistrature assise, sont les juges chargés de statuer sur les affaires et de rendre les décisions de justice. Leur indépendance est essentielle pour garantir une justice impartiale et équitable. Contrairement aux fonctionnaires hiérarchisés, les magistrats du siège ne sont pas soumis à l’autorité directe du gouvernement ; ils bénéficient de garanties visant à préserver leur autonomie professionnelle, notamment en matière de carrière.

Indépendance et gestion de carrière

La carrière des magistrats du siège est gérée par le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), organe indépendant chargé de superviser la nomination, l’avancement et la discipline des magistrats. Depuis la réforme de 2008, le CSM est composé de membres nommés par le Président de la République, le Président de l’Assemblée nationale, et le Président du Sénat, ainsi que de magistrats élus par leurs pairs, pour assurer un équilibre et renforcer l’indépendance de la magistrature face aux pressions politiques. Toutefois, certains débats persistent quant à l’indépendance totale de cet organe en raison des nominations politiques de certains membres.

Statut des magistrats du siège et inamovibilité

Les magistrats du siège sont inamovibles (article 64 de la Constitution), ce qui signifie qu’ils ne peuvent être déplacés, affectés à un autre poste, ni destitués sans leur consentement, même en cas de promotion. Cette garantie protège les juges contre toute tentative d’influence par des changements de poste ou des affectations imposées.

De plus, selon l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, les magistrats doivent exercer leurs fonctions en toute indépendance et impartialité. Cela implique qu’ils doivent statuer sur les affaires sans pression extérieure, assurant ainsi l’équité et la neutralité des décisions de justice.

Relations entre le CSM et les magistrats du parquet

Depuis la réforme de 1993, le Conseil supérieur de la magistrature exerce également une compétence disciplinaire à l’égard des magistrats du parquet (les procureurs), bien que ceux-ci ne bénéficient pas des mêmes garanties d’indépendance que les magistrats du siège.

Le CSM émet des propositions pour la nomination des magistrats du siège et des avis pour les magistrats du parquet, les avis du CSM concernant les magistrats du parquet ne liant pas le gouvernement. Par conséquent, bien que le gouvernement ne puisse pas donner d’ordres directs aux magistrats, une différence subsiste quant au niveau d’indépendance des magistrats du siège par rapport à celui des magistrats du parquet.

Garanties d’impartialité et de non-interférence

L’indépendance de la magistrature assise est protégée par des garanties statutaires et institutionnelles :

  • Inamovibilité : les magistrats ne peuvent être mutés, suspendus, ou démis de leurs fonctions sans leur consentement.
  • Absence de pressions hiérarchiques : le gouvernement ne peut intervenir ni dans la gestion des affaires, ni dans la carrière des magistrats, assurant leur impartialité dans toutes les décisions rendues.

En somme, ces principes assurent aux magistrats du siège une indépendance indispensable au bon fonctionnement de la justice, et permettent aux juges de se prononcer en toute liberté sur les affaires qui leur sont soumises, sans crainte de représailles ou d’influences extérieures.

 

II) Les magistrats du ministère public, dits du Parquet (magistrature debout)

 

Les magistrats du ministère public, également appelés magistrats du Parquet ou magistrature debout (car ils s’expriment debout à l’audience), représentent l’État devant les tribunaux et sont les agents de la défense de l’intérêt public. Contrairement aux magistrats du siège, leur indépendance vis-à-vis de l’exécutif est limitée, notamment en raison de leur subordination hiérarchique au ministre de la Justice (Garde des Sceaux). Ce lien hiérarchique a suscité de nombreux débats quant à la nécessité de renforcer leur autonomie.

Rôle et compétences du ministère public

  • En matière pénale : Le ministère public détient le monopole de l’action pénale et décide de l’opportunité des poursuites. Il agit en tant qu’accusateur principal face aux infractions et défend l’application de la loi dans l’intérêt de la société. Les magistrats du parquet initient les poursuites, formulent des réquisitions et demandent les sanctions appropriées pour les infractions constatées.

  • En matière civile : Le rôle du parquet est plus limité et consiste souvent à donner un avis. Bien qu’il n’ait pas l’initiative de l’action civile, il intervient dans les affaires où l’ordre public est en jeu, comme les questions de nationalité, de nullité de mariage, et de faillite d’entreprise. En vertu de l’article 423 du Code de procédure civile, le ministère public peut s’exprimer dès que les faits portent atteinte à l’ordre public. Ses observations, appelées conclusions, sont communiquées au tribunal par écrit, et sont précieuses en raison de leur impact potentiel sur les orientations jurisprudentielles.

Subordination hiérarchique et liberté de parole

Les magistrats du parquet sont soumis à une hiérarchie stricte : ils doivent respecter les instructions de leurs supérieurs, et notamment celles du Garde des Sceaux. La hiérarchie leur impose d’appliquer les directives transmises par leurs supérieurs, sous peine de sanctions disciplinaires.

Cependant, un principe modère cette subordination : « La plume est serve, mais la parole est libre ». Cela signifie que, bien qu’ils soient tenus de suivre les instructions écrites, les magistrats du parquet peuvent s’exprimer librement lors des audiences et exposer leurs opinions orales, même si elles diffèrent de celles imposées par écrit.

Devoirs et obligations spécifiques des magistrats du parquet

Les magistrats du parquet, en raison de leur fonction, sont soumis à des obligations déontologiques qui vont au-delà des exigences habituelles des fonctionnaires :

  • Devoir de réserve et de discrétion : Les magistrats ne peuvent pas divulguer le contenu des délibérations ni adopter des positions politiques publiques ou partisanes.

  • Neutralité et intégrité : Dans leur vie privée, ils doivent observer une conduite irréprochable et sont tenus de ne pas exprimer de positions publiques qui pourraient nuire à leur impartialité. Ils ne peuvent pas exercer d’activité professionnelle extérieure (sauf enseignement, recherche scientifique, activités littéraires ou artistiques).

  • Incompatibilités : Les magistrats ne peuvent pas exercer de mandat politique national ou européen, afin de préserver l’impartialité et l’indépendance de la justice. Cependant, ils peuvent adhérer à un syndicat. Les trois principaux syndicats sont le Syndicat de la magistrature, l’Union syndicale des magistrats et l’Association professionnelle des magistrats.

En somme, bien que les magistrats du parquet soient soumis à une hiérarchie rigoureuse, leurs libertés d’expression lors des audiences, ainsi que leurs obligations de réserve et d’impartialité, garantissent une certaine autonomie dans l’exercice de leurs fonctions.

 

III) Les juridictions

 

Les juridictions de l’ordre judiciaire en France remplissent un double rôle essentiel : elles sont chargées, d’une part, de juger les litiges civils entre particuliers en appliquant le droit privé, et d’autre part, de sanctionner les infractions pénales en infligeant des peines. Bien que le système judiciaire se compose de différentes juridictions portant des noms spécifiques selon leur domaine d’intervention, elles fonctionnent sous un même principe : l’unité de la justice civile et pénale.

L’unité de la justice civile et pénale

Contrairement à une idée reçue, il n’existe pas de juridictions entièrement distinctes pour le civil et le pénal au sein de l’ordre judiciaire. En effet, la même juridiction peut juger des affaires civiles ou pénales selon la formation dans laquelle elle siège. Par exemple, le tribunal judiciaire est compétent en matière civile et, sous sa formation de tribunal correctionnel, traite également les délits. De même, ce tribunal, lorsqu’il se transforme en tribunal de police, se charge des contraventions de moindre gravité. Ce principe de polyvalence est renforcé par l’utilisation des mêmes locaux et du même personnel, facilitant ainsi une approche intégrée de la justice.

Toutefois, il existe des exceptions avec certaines juridictions spécialisées :

  • Les juridictions purement civiles, telles que les tribunaux de commerce, sont exclusivement compétentes pour certains litiges spécifiques, comme les affaires commerciales.
  • La cour d’assises est exclusivement une juridiction répressive, jugeant les crimes les plus graves avec un jury populaire.

Articulation entre juridictions civiles et pénales

La liaison entre les fonctions civile et pénale est particulièrement visible dans le cadre de l’action civile en réparation des dommages causés par une infraction pénale. La victime d’une infraction peut demander des dommages-intérêts en tant que partie civile directement devant la juridiction pénale (tribunal correctionnel ou cour d’assises) ou choisir de porter l’affaire devant la juridiction civile. Cela permet une réparation du préjudice dans le cadre du procès pénal, rendant la procédure plus efficace pour la victime.

Les différents niveaux de juridictions : premier et second degré

Le système judiciaire français repose sur le principe de double degré de juridiction, permettant ainsi un réexamen du litige pour garantir une meilleure justice :

  1. Juridictions du premier degré : Celles-ci constituent le premier niveau de jugement, où le litige est initialement porté. Le tribunal judiciaire en est l’exemple principal en matière civile, et le tribunal correctionnel pour les affaires pénales de délit.

  2. Juridictions du second degré – La cour d’appel : Lorsqu’une des parties n’est pas satisfaite du jugement rendu par la juridiction du premier degré, elle peut faire appel devant la cour d’appel. Celle-ci réexamine l’affaire, en vérifiant aussi bien les faits que la correcte application du droit. Ce double niveau garantit aux justiciables une deuxième lecture de leur affaire.

  3. Cour de cassation : Au sommet de la hiérarchie judiciaire, la Cour de cassation est une juridiction unique qui ne rejuge pas les faits, mais contrôle uniquement la correcte application du droit. Elle intervient en dernier recours pour examiner si les juges du fond ont respecté la loi et les principes juridiques applicables. Elle peut, le cas échéant, casser la décision et renvoyer l’affaire devant une autre cour d’appel pour un nouvel examen.

Résumé du fonctionnement des juridictions judiciaires

Le système judiciaire français se caractérise par une unité entre les fonctions civile et pénale, malgré l’apparence de séparation entre les types de procès. Les juridictions polyvalentes jugent tour à tour des litiges civils ou pénaux, assurant ainsi une gestion intégrée et efficace des affaires judiciaires. En parallèle, le principe de double degré de juridiction, combiné à la possibilité de pourvoi en cassation, offre aux justiciables un système de révision et de contrôle rigoureux, garantissant une application juste et uniforme du droit dans l’ensemble du pays.

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