La seigneurie et le principe féodo-vassalique

La seigneurie.

Ce phénomène perdure, il y a des seigneuries partout et le pouvoir est morcelé, mais dans ce morcellement apparait le phénomène des villes qui sortent du système féodal et construisent des seigneuries d’une nouvelle nature.

§ 1. La naissance des seigneuries.

Dans la seigneurie sont confondues les 2 notions de propriété privées du sol et de l’exercice de la souveraineté de l’état. Il y a une dimension foncière majeure.

A. Les théories.

Pendant longtemps, les historiens (19 et 20ème siècles) ont fait une présentation théorique et 2 écoles se sont affrontées.

a) La théorie de l’école domaniale.

Mise au point par Fustel de Coulanges. Ici, la souveraineté depuis le bas empire romain s’est imperceptiblement incorporée à la propriété foncière. Ainsi lorsque le pouvoir carolingien s’avèrera incapable d’assumer ses fonctions, ce vide sera comblé par les propriétaires fonciers de façon involontaire, ils seront ainsi les héritiers du pouvoir politique.

b) La théorie de l’usurpation.

Elle a été forgée par Adémar Esmer, il dit qu’il n’y a pas eu de vide mais une usurpation du pouvoir, les premières seigneuries ayant été les premières à se servir. Les hauts fonctionnaires sont devenus des seigneurs. L’usurpation s’est propagée jusqu’aux plus petites unités, les villages.

B. Les faits.

a) La formation des seigneuries titrées.

Formée par le clergé, comtés et marquisats qui sont heureux de ne plus avoir de pouvoir au-dessus d’eux. Lien avec la théorie de l’usurpation.

b) La formation des châtellenies.

Créées pour rassurer les gens. Ici le seigneur a pouvoir de commandement, le ban. Ce pouvoir est tempéré par la hiérarchie féodale et son cadre. En Allemagne on cultivera ce système, alors qu’en France le roi le combattra. Lien avec théorie domaniale.

§ 2. L’exercice du pouvoir dans la seigneurie.

Dans cet ensemble territorial s’exerce un pourvoir politique qui peut être plein, entier. Certains ont tous les droits pléniers d’autres des droits et pouvoirs relatifs.

A. La guerre.

Le principe féodo-vassalique suppose une activité militaire, c’est pour cela que des gens s’engagent, se placent dans des liens de fidélités.

a) L’organisation de l’armée seigneuriale.

Cette armée comporte 2 aspects.

1- Aspect féodal.

L’armée s’organise sur les bases féodales d’engagement d’un homme envers un autre. Le seigneur est alors un suzerain qui fait jouer le contrat féodo-vassalique envers son vassal.

2- Aspect royal.

La guerre est une prérogative de puissance publique, de souveraineté comme le droit de faire la paix aussi. Il y a ici quelque chose de royal, c’est une prérogative du pouvoir royal. Le seigneur est sur son territoire un peu un roi, qui a le pouvoir de demander aux habitants d’effectuer un service armé, qu’il s’agisse de serfs ou de roturiers. C’est le premier fondement de la conscription.

b) La réglementation de la guerre.

Cette guerre et cette paix est organisée selon la propre et unique volonté du seigneur, mais il y a une réglementation qui peut être, l’encadrement féodal (l’armée ne peut être réunis que sur le fondement de l’ost de la chevauchée et de la garde. Si le vassal est invité à se joindre à l’ost ce n’est que pour 40 jours). Ce qui n’est pas réglé dans l’armée féodale c’est la volonté du seigneur, qui en use et en abuse. La guerre est l’activité principale du seigneur, qui a avec elle un rapport éthique. C’est ce que trouveront excessif les nouveaux pouvoirs aux 11 ème et 12 ème siècles, à savoir le pouvoir royal et la papauté. Ces pouvoirs vont alors réglementer la guerre, la limiter.

1- L’action de l’Eglise.

Pour une raison éthique et matérielle. Les grands domaines ecclésiastique sont nombreux et sont les premiers à supporter les dommages collatéraux des guerres privées. L’église instaure alors la paix de Dieu (si violation il peut y avoir excommunication). A côté il y a la trêve de Dieu, qui permet de suspendre la guerre à certains moments (carême, fête de la vierge, etc…), jusqu’à 90 jours dans l’année. Le résultat ne s’est produit qu’à la longue, ces interdictions sont introduites progressivement.

2- L’action du roi.

Les monarques sont impuissants devant les guerres privées. Il y 4 techniques utilisées par le roi de France :

  • La quarantaine le roi (introduite par Philippe Auguste), qui interdit d’attaquer les parents et alliés directement, il faut les avertir et leur laisser 40 jours.
  • Les lettres de sauvegarde, délivrées par la chancellerie du roi et qui protègent certaines personnes. Des panneaux sont apposés sur les immeubles des personnes protégées.
  • L’assolement, promesse de ne pas attaquer.
  • L’interdiction (mesure prise en 1258 par Saint Louis, qui interdit les guerres privées et les duels judiciaires.

B. La justice.

a) Nature du pouvoir judiciaire, selon l’origine.

Il y a une origine souveraine, c’est la justice rendue par un seigneur qui a hérité des pouvoirs souverains et il y a la justice rendue par un seigneur en tant que seigneur d’un ou plusieurs vassaux. Dans ce dernier cas, la justice est rendue par le seigneur dans une cour des pairs, la justice féodale est une justice entre seigneur, qui accorde une grande place à l’honneur, à la félonie, à la trahison ; on n’est pas dans une justice souveraine.

Il y aussi la justice foncière. Le seigneur y juge les roturiers, à raison de la terre qu’ils cultivent et qu’ils tiennent du seigneur féodal.

Selon ces 3 cas la justice ne suit pas les mêmes procédures et n’a pas les mêmes sources juridiques.

b) Selon le niveau de compétence.

Tous les seigneurs n’exercent pas une pleine et entière justice.

La haute et basse justice.

Elle n’appartient qu’à certains, mais tous les seigneurs ont la basse justice (contravention, délits). On alors introduit la notion de moyenne justice.

c) Le fonctionnement de la justice.
1- L’organisation.

Tout dépend des moyens dont disposent le seigneur justicier. Dans certains cas, Il pourra entretenir des juges, même répartis sur le territoire, dans d’autres cas il aura du mal à entretenir un seul juge, voire même une prison, ce faisant il peut rendre une mauvaise justice.

2- La procédure.

La procédure est d’abord orale, mais peu à peu les écrits s’imposeront. Les écrits ont quelque chose de magique.

Dans la procédure orale, l’aveu tient une place importante, si l’ordalie disparait, il reste le duel judiciaire, comme moyen incontournable de preuve, Saint Louis les interdira.

Il est fréquent que le juge soit pris à partie.

L’intervention du roi va progressivement sécuriser la procédure judiciaire, il impose des pratiques, la plus connue étant l’appel, le recours vers un justicier supérieur et vers le roi. C’est ainsi que peu à peu le roi va couronner la pyramide judiciaire. Pour ce faire le roi utilise 2 méthodes :

  • La voie de l’appel.
  • La voie du retrait, il s’approprie des affaires au détriment du seigneur.

C. Les finances.

La seigneurie dispose de 2 sources de recettes.

a) Les revenus domaniaux.

On peut parler de domaine de la seigneurie, il s’agit de terres et de droits, qui ne sont pas des propriétés privées mais publiques, issues souvent de démembrement d’une ancienne propriété publique (ils viennent souvent du fiscus romain). Il y a eu appropriation du domaine public, mais il n’a pas perdu son caractère public.

Les revenus de ces biens domaniaux forment la plus grande partie des revenus de la seigneurie (bois, moulins, forêts…).

b) Les impositions.

Depuis l’époque mérovingienne, le pouvoir politique a été incapable de lever des imposition, car il faut pour cela des moyens administratifs qui font défaut. Les seigneurs vont utiliser des moyens nouveaux.

L’unité imposable sera le « feu », le foyer, qu’on identifie et dont on définit l’assiette, c’est le fouage.

La corvée est un complément de cet impôt direct, elle pèsera sur les plus pauvres, qui payent cet impôt par leur travail. Les corvées publiques, servent à l’entretien des routes, des canaux.

Il y a aussi des impôts indirects, sous forme de taxes perçues à l’occasion d’une activité, d’une vente ou de l’achat de marchandises. Ils sont plus faciles à percevoir que les impôts directs.

Il y a aussi des amendes.

D. L’économie.

Le seigneur y intervient de plusieurs façons.

a) La surveillance des échanges.

La seigneurie forme un monde clos qui se méfie de ce qui se trouve autour et de ce qui vient de loin. Ce monde n’est pas porté à l’échange, c’est une entité économique fragile qui veut se garder de toute agression économique. Le seigneur règlemente ainsi abondamment le transfert des marchandises, il impose des péages sur les routes et les ponts, qui correspondent ou non à des services. Il impose aussi les marchandises qui circulent, ce sont les traites, droits d’entrée, de passage et de sortie, ce sont des droits de douanes qui ont une fonction économique chargée de protéger la production de la seigneurie.

b) Les monopoles d’exploitation.

La banalité est une pratique juridique essentielle de la seigneurie médiévale. Ce terme vient de ban qui signifie « commandement » (du seigneur) qui impose un cadre juridique pour telle ou telle activité. Aucune activité n’échappe à ce cadre. La plus visible concerne les moulins. Cette réglementation seigneuriale impose aux habitants du lieu d’apporter leur production au moulin de la seigneurie et pas un autre, et personne n’a le droit de construire un moulin concurrent. Dans ce cadre a été prévu le prix d’achat, la destination des restes, c’est une économie totalement réglementée. Ceci concerne aussi les fours, ceci est d’autant plus compréhensible si on se trouve dans une zone ou règne la pénurie en bois. Les vendanges dans certaines régions fonctionnent aussi en banalité, ce qui permet au seigneur de faire passer d’abord sa récolte propre, les autres passant en second sur autorisation du seigneur.

E. La sureté publique.

Le seigneur réglemente beaucoup en matière de sureté publique.

a) Le contrôle des personnes.

La surveillance des vagabonds et des serfs

b) Le contrôle des activités

la réglementation des fêtes et des polices.